Madame la ministre de la transition écologique, à vous écouter– et Dieu sait si on vous écoute ! – et à écouter les membres de votre majorité, le projet de loi contient toutes les mesures nécessaires pour permettre enfin à notre pays de tenir ses engagements climatiques. Le Parlement aurait, au cours des trois semaines de débats qu’il a consacrées à votre texte, magnifiquement relayé, selon vos propres termes, les propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat.
Eh bien ni les 150 citoyens, ni la communauté scientifique, ni les parlementaires qui ont tenté de renforcer l’ambition du texte ne partagent cet enthousiasme de façade.
Vous avez, dans une tribune récente cosignée avec un collectif de ministres et de députés de la majorité, dénoncé les postures de ceux qui « s’enferment dans une logique du tout ou rien pour refuser une approche progressive ». Nul ne conteste sur ces bancs la nécessité d’avancer par étapes sans laisser personne sur le bord du chemin, mais le cœur du problème, c’est qu’au bout du compte, votre politique des petits pas ne suit pas le rythme des changements économiques et sociaux qu’impose la crise écologique et climatique. Sous la pression, comme cela a été dit, de puissants intérêts économiques et financiers, vous vous êtes condamnée au sur-place, aux dépens de l’intérêt général et des attentes légitimes de nos concitoyens.
Ce texte souligne les terribles contradictions qui sont les vôtres. On ne peut en effet prétendre opérer la transition écologique de l’industrie sans garantir aux salariés – nous ne cesserons de le dire ! – des droits nouveaux en termes d’emploi et de formation, ni sans renforcer leur pouvoir d’intervention sur la stratégie industrielle des entreprises. Or il n’y a rien d’essentiel, dans le projet de loi, sur l’emploi et la transformation des métiers. Aucune mesure ne vise non plus à encadrer les émissions de carbone des grandes entreprises, ni à leur réclamer des contreparties. Bien au contraire : c’est leur bonne volonté qui fait office de cap. On ne peut prétendre réduire la part du transport routier et aérien sans développer massivement l’offre de fret et de transport ferroviaire, sans préserver le maillage des petites lignes et sans rendre attractifs les tarifs des transports publics, notamment de la SNCF. (Mme Muriel Ressiguier applaudit.) Or vous ne démontrez rien à cet égard dans ce texte.
On ne peut prétendre d’un côté lutter contre l’artificialisation des sols et refuser, de l’autre, tous les amendements visant à mettre un terme à l’expansion des entrepôts des géants du e-commerce. Quant à l’interdiction de l’installation de surfaces commerciales en périphérie, elle ne concernera que celles de plus de 10 000 mètres carrés, un seuil bien trop élevé pour lutter efficacement contre l’artificialisation et préserver les petits commerces de proximité. Pourtant, ce n’est qu’à l’amendement du président Chassaigne – amendement qui a mis la majorité en émoi – que la ruralité vivante doit ses quelques capacités de développement !
On ne peut prétendre encore favoriser la transition de notre agriculture sans garantir des revenus décents aux agriculteurs. Or vous refusez de tirer les conséquences de l’échec de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire (ÉGALIM) et de dénoncer les désastreux traités de libre-échange qui organisent le dumping social et environnemental. On ne peut enfin prétendre conduire à bien la rénovation énergétique de l’habitat et éradiquer les passoires thermiques d’un côté et, de l’autre, repousser à 2028 l’interdiction de louer les passoires thermiques, tout en rackettant le logement social à hauteur de plusieurs milliards d’euros.
Telles sont, madame la ministre, les raisons pour lesquelles le groupe communiste votera contre ce texte qui est un empilement de mesures anecdotiques, tronquées, différées, déléguées, sans-le-sous et asociales. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)