Les députés communistes et le groupe Gauche démocrate et républicaine-NUPES soutiennent ce texte, tel qu’il est issu des travaux conjoints de l’Assemblée et du Sénat. Dès la première lecture, nous avions fait part de la nécessité de légiférer et d’instaurer une majorité numérique, notamment pour l’utilisation des réseaux sociaux.
C’est avec lucidité que nous appréhendons ce texte, en sachant très bien qu’il ne pourra résoudre à lui seul tous les problèmes, compte tenu de l’importance des enjeux relatifs à la régulation du numérique.
Nous savons aussi que les solutions technologiques ne sont pas encore matures et que nous sommes engagés dans une constante course de vitesse entre le développement du numérique et sa nécessaire régulation.
Toutefois, les nombreuses limites technologiques ne doivent pas nous empêcher de légiférer, sous le prétexte que ce serait vain. C’est même tout le contraire, car nous ne pouvons nous en remettre à la simple bonne volonté des entreprises concernées. Remettre à demain les avancées que nous pouvons obtenir aujourd’hui serait une erreur. C’est d’ailleurs dans ce même état d’esprit que nous aborderons le débat, qui débute au Sénat, sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique.
Sur le fond, nous soutenons le principe d’une majorité numérique et le fait de la fixer à 15 ans. En premier lieu, c’est cohérent avec ce qui se pratique dans le cadre du RGPD : à compter de l’âge de 15 ans, un mineur peut consentir seul à un traitement de données à caractère personnel en ce qui concerne l’offre directe de services de la société de l’information. Il a donc la capacité de procéder à une transaction de nature contractuelle, comme il le fait en s’inscrivant sur un réseau social.
En second lieu, l’âge de 15 ans est également celui qui est retenu par la Cnil, laquelle précise néanmoins : « Cette position n’est ni un laissez-passer général donné aux mineurs, ni un blanc-seing accordé aux fournisseurs de services en ligne pour contracter avec des mineurs comme ils le feraient avec des adultes. » Je crois que ce point est essentiel pour ce qui est des obligations des fournisseurs de services de réseaux sociaux : ceux-ci doivent être beaucoup plus vigilants quant aux dégâts que leur activité est susceptible de causer chez les enfants.
Rappelons les principaux chiffres : 82 % des enfants âgés de 10 à 14 ans naviguent de manière régulière sur internet sans leurs parents ; 63 % des enfants de moins de 13 ans ont au moins un compte sur un réseau social ; Instagram rassemble 58 % des 11-14 ans et 89 % des 15-18 ans ; Snapchat réunit 75 % des 11-14 ans et 88 % des 15-18 ans ; TikTok atteint plus de 50 % d’utilisateurs chez les 11-18 ans. Veuillez m’excuser de citer toutes ces données.
Cyberharcèlement, exposition à la pornographie, pratiques dangereuses… Si l’État peut contraindre les réseaux sociaux et autres sites à être proactifs dans la modération des contenus, le rôle des parents reste primordial pour contrôler et éduquer les enfants au bon usage des réseaux sociaux, pour prévenir le cyberharcèlement, pour expliquer ce qu’il faut partager ou non.
Or les parents ne sont pas plus de 50 % à décider du moment et de la durée de connexion de leurs enfants, et 80 % d’entre eux déclarent ne pas savoir exactement ce que leurs enfants font sur internet ou sur les réseaux sociaux.
Nous constatons ici l’ampleur du travail qu’il reste à engager.
Comme nous le verrons lors de la discussion du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, l’articulation entre plusieurs impératifs est parfois délicate : jusqu’où porter atteinte à la vie privée au nom de l’intérêt général ? Comment vérifier l’âge par des dispositifs qui ne soient pas trop attentatoires à la vie privée ?
Nous soutiendrons ce texte, mais il nous laisse quelques regrets. Ainsi, le montant de l’amende pour les fournisseurs de services de réseaux sociaux qui ne respecteraient pas leurs obligations ne sera que de 1 % de leur chiffre d’affaires. Cela nous paraît sous-dimensionné pour constituer une réelle contrainte pour ces entreprises.
Plus généralement, l’impact des écrans sur nos enfants doit devenir l’un de nos sujets prioritaires. C’est pourquoi, aux côtés de plusieurs autres parlementaires et d’habitantes et habitants de nos circonscriptions, je participe à un forum citoyen qui se penche sur cette question.
Nous sommes bien conscients des limites de ce texte, mais aussi et surtout des avancées qu’il comporte. Les députés GDR voteront une nouvelle fois en sa faveur, en espérant que son adoption s’accompagnera d’un mouvement plus large visant à mieux protéger nos enfants.