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Fin de l’exploitation des hydrocarbures

Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la présidente de la commission, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi dont nous achevons aujourd’hui l’examen se veut un texte emblématique de la volonté du Gouvernement de faire face aux enjeux climatiques et de permettre à notre pays de prendre le virage de la neutralité carbone.

Nous partageons, bien entendu, les ambitions de ce texte. Nous sommes, comme vous, convaincus de la nécessité pour notre pays de prendre ses responsabilités en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de prolonger la dynamique engagée avec l’accord de Paris. Il faut ainsi réduire de manière significative notre consommation finale d’énergie carbonée ; cela recueille d’ailleurs un large consensus.

Pour les pays industrialisés, qui ont bâti une large part de leur prospérité sur l’exploitation des énergies fossiles, l’entreprise de désintoxication, pour reprendre vos termes, monsieur le ministre d’État, impose de profondes mutations technologiques, économiques, sociales et sociétales. La réussite de la transition écologique exige surtout des moyens budgétaires et une attention constante à ne pas faire des plus modestes les premières victimes de ces mutations.

Le Gouvernement a annoncé un plan de 20 milliards d’euros sur cinq ans pour la transition écologique. C’est la somme que nous devrions en réalité consacrer chaque année à la transition énergétique, pour mener à bien la rénovation thermique de l’habitat et la promotion des énergies renouvelables, pour donner un nouveau souffle au transport ferroviaire et aux modes alternatifs au transport routier, pour développer la recherche et accompagner la transformation des outils de production.

Vous avez fait le choix, dans ce texte, de prendre une mesure ciblée en promulguant l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, ainsi que la fin progressive de la production d’énergie fossile sur le territoire national. Vous souhaitez par là envoyer un signal fort. Ce volontarisme vous honore ; il faut cependant reconnaître que ce texte sera d’une portée et d’une efficacité encore à démontrer.

La production française de pétrole et de gaz ne couvre que 1 % de la consommation du pays ; sur la scène internationale, nul n’ignore ce premier constat. Votre texte n’interdira pas aux multinationales de continuer d’exploiter les hydrocarbures aux quatre coins du globe, ni à notre pays d’importer les hydrocarbures dont il a besoin.

Votre texte souffre également d’un sérieux problème de cohérence. Il est révélateur des contradictions gouvernementales, par-delà même le domaine de compétences de votre ministère. Comme l’a souligné notre collègue Gabriel Serville, nous ne pouvons nous défendre du sentiment que le Gouvernement cherche, à travers vous et à travers ce texte, à afficher une conscience écologique tout en autorisant, avec le CETA, l’importation de pétroles canadiens hautement polluants et tout en fermant les yeux sur la situation des pays du Sud, où l’on pourra continuer de polluer impunément.

Quelle cohérence quand, au même moment, on annonce la réduction du champ de certaines normes environnementales et sociales, la suppression des aides au maintien de l’agriculture bio, et que l’on recule encore sur l’interdiction des néonicotinoïdes ou du glyphosate ?

Nous ne pouvons non plus faire l’impasse sur la situation de la Guyane. Les Guyanais ont dit au monde entier, il y a quelques mois, qu’ils n’admettraient plus de ne plus être entendus par les décideurs métropolitains. Vous avez pris des engagements sur ce point : il sera décisif d’y être attentif.

Il nous faudrait aussi des engagements clairs sur les contrats de transition écologique, qui intéressent les territoires mais aussi les salariés du secteur, notamment en termes budgétaires.

Monsieur le ministre d’État, comme vous l’avez souligné, le temps est venu de nous mettre en action et de nous hisser à la hauteur des enjeux. Nous ne doutons pas de votre bonne volonté ; cette loi se veut effectivement l’étendard d’une croisade apolitique contre un fléau dont nous serions tous également responsables.

Nous pensons, au contraire, que la lutte contre le réchauffement climatique invite à changer de paradigme, à desserrer l’étau de l’austérité, de la loi du marché et de la financiarisation de l’économie. Pour que la transition écologique ne soit pas un facteur d’aggravation des inégalités, il nous faut réaffirmer le rôle régulateur de la puissance publique en matière énergétique. En conséquence, nous nous abstiendrons sur le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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