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Explications de vote et scrutins

Inéligibilité obligatoire pour les auteurs de violences aggravées

Madame la rapporteure, votre texte est porteur d’un message simpliste et populiste : il aurait la double vertu de lutter contre les violences conjugales et de renforcer la probité des élus.

La lutte contre les violences faites aux femmes est au cœur des combats de notre groupe. Tous les textes visant à lutter contre les violences intrafamiliales ont reçu notre approbation et notre soutien, d’où qu’ils viennent, sans esprit partisan. Les multiples propositions que nous avons faites lors des législatures précédentes le prouvent également, mais elles ne trouvent pas leur place dans cette proposition de loi, et pour cause : ce n’est pas son objet. Son dépôt relève d’une basse manœuvre politicienne. Personne n’est dupe. Les interventions qui se sont succédées, et notamment celle – excellente – de ma collègue Emeline K /Bidi, en ont fait la démonstration.

Concernant la probité des élus, permettez-moi de vous dire, madame Bergé, que votre soif d’exploiter un acte condamnable et de condamner un adversaire politique nous entraîne sur une voie dangereuse. En insérant une simple référence dans l’article 131 -26 -2 de notre code pénal, la peine complémentaire d’inéligibilité devient obligatoire alors qu’elle est, jusqu’à présent, simplement possible, si le juge l’estime nécessaire et adaptée.

Cette peine quasi automatique limitera la liberté du juge et s’ajoutera à la peine prononcée pour des violences légères commises par un élu, mais également par n’importe quel autre citoyen.

Des violences légères qui n’ont pourtant provoqué qu’une incapacité de travail inférieure à huit jours, voire aucune incapacité ; des violences légères qui n’impliquent pas nécessairement un contact physique entre l’auteur et la victime ; des violences légères qui ont, dans notre code pénal, le statut de contraventions et qui sont ici qualifiées de délictuelles car elles s’accompagnent d’une ou plusieurs circonstances aggravantes, parmi une liste de dix-huit tenant compte de la qualité de l’auteur, de celle de sa victime, des circonstances dans lesquelles elles ont été commises ou du lieu de l’infraction

Le danger de votre texte réside dans cette référence aux violences légères, qui était absente de la loi de 2017 pour la confiance dans la vie politique. Cette loi n’avait retenu que des délits relevant des manquements à l’exigence de probité, portant atteinte à la confiance publique ou au bon fonctionnement du système électoral, ou bien se traduisant par les atteintes les plus graves aux personnes.

Toutes les infractions prévues par le droit français ne témoignent pas d’une inaptitude manifeste à l’exercice de fonctions électives et ne peuvent donc toutes conduire à une inéligibilité obligatoire. Cette proposition de loi nous entraîne vers une dérive qui conduirait à un nombre excessif de cas d’inéligibilité, peu justifiés car provoqués par des fautes vénielles.

Une focale large fait courir le risque d’une instrumentalisation de la justice à des fins d’élimination d’adversaires politiques, sur le modèle de la publique athénienne du Ve siècle, où les procès tenaient lieu d’élections. Je cite Platon : « Il y a tant de lois qu’il n’y a personne exempt d’être pendu. »

Pour renforcer la probité et l’exemplarité des élus, pour que les électeurs nous accordent leur confiance, commençons par voter des lois utiles, des lois visant à lutter contre les violences faites aux femmes, et non des lois qui visent uniquement à se débarrasser d’adversaires politiques.

L’exemplarité, c’est avant tout ce qui peut être cité comme modèle à imiter. Dans le champ politique, l’exemplarité se mesure par l’attitude, par les actes et par les paroles des responsables politiques, mais aussi par le dévouement au bien commun et à l’intérêt général. Si l’exemplarité est indispensable pour renouer avec la confiance de nos concitoyens, elle suppose, au-delà des lois, le développement d’une éthique personnelle.

Les votes des députés de notre groupe se partageront entre l’abstention, le vote pour et le vote contre, mais, dans leur majorité, ils voteront contre ce texte.

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