Interventions

Explications de vote et scrutins

Encadrement des prix des produits alimentaires

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe GDR.
M. Pierre Gosnat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du logement, mes chers collègues, cette proposition de loi s’appuie sur un double constat : d’une part, la dégradation durable des prix d’achat des productions agricoles issues de l’agriculture française ; d’autre part, l’augmentation constante des prix de vente des produits alimentaires aux consommateurs.
Nous aurions tort de penser que les niveaux toujours plus bas ou les fluctuations brutales des prix d’achat des productions sont liés aux simples évolutions conjoncturelles des marchés. Il s’agit d’un problème structurel qui affecte l’agriculture française dans son ensemble.
Les faits sont tenaces : comme le révèle le premier rapport de l’Observatoire des prix et des marges des produits alimentaires, le partage de la valeur ajoutée au sein des filières est de plus en plus déséquilibré en faveur de la grande distribution.
Et ce déséquilibre n’est pas le fruit du hasard. Il résulte de plus de trente années de déréglementation des échanges agricoles et des échanges commerciaux à l’échelle internationale, communautaire mais aussi nationale. Cette déréglementation, accentuée par le Gouvernement avec la loi de modernisation économique, a abouti à la soumission des agriculteurs aux exigences de l’aval, c’est-à-dire des groupes de la grande distribution.
Ces grands groupes, avec leurs centrales d’achat, imposent leurs exigences de prix cassés aux producteurs pour s’assurer des marges commerciales exorbitantes. Cette évolution a des conséquences bien identifiées : le nombre d’exploitations a diminué de 26 % et l’emploi agricole de 22 % en seulement dix ans. Le revenu agricole moyen stagne depuis plus de quinze ans. Des milliers d’exploitants familiaux sont plongés dans la pauvreté.
Il y a deux ans, le rapporteur de ce texte, mon ami André Chassaigne, avait déjà déposé une proposition de loi visant à instaurer un véritable droit au revenu des agriculteurs. Elle présentait certains outils comme le coefficient multiplicateur pour encadrer les prix et les marges de la grande distribution. Nous étions alors en pleine crise de la filière laitière et le ministre de l’agriculture nous avait simplement demandé d’attendre un miracle gouvernemental, c’est-à-dire la mise en application de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui devait résoudre tous les problèmes.
Que s’est-il passé depuis l’adoption de cette loi ? Les résultats parlent d’eux-mêmes : les producteurs laitiers refusent la contractualisation qui se fait toujours sur le dos des mêmes.
M. Michel Lejeune. C’est faux !
M. Pierre Gosnat. Les producteurs de fruits et légumes ne croient pas davantage à la solution divine du renforcement des organisations de producteurs. Quant à la gestion des risques climatiques par l’extension de l’assurance privée, elle prête à sourire puisqu’il a fallu réhabiliter soudainement un fonds de garantie public des calamités en cette année 2011.
Aujourd’hui, force est de constater que les problèmes demeurent, et que la question des prix et des revenus agricoles est la grande oubliée de notre politique agricole et alimentaire.
M. Michel Lejeune. C’est faux !
M. Pierre Gosnat. C’est pour apporter des réponses dès maintenant, et sans attendre le grand soir de 2012, que nous avons déposé ce texte.
Son article 3, qui propose la mise en place d’une conférence annuelle sur les prix agricoles regroupant tous les acteurs, pouvait sans doute permettre d’ouvrir une première porte collectivement. Mais M. le ministre s’est arc-bouté en séance contre les propositions du rapporteur en reprenant l’argument galvaudé de l’incompatibilité du texte avec le droit communautaire. Il est curieux, ce droit de la concurrence, qui ne s’applique pas pour certaines productions, comme les énergies renouvelables, mais qui serait indépassable lorsqu’il s’agit de nourrir les hommes.
Chers collègues, les produits agricoles et alimentaires ne sont pas des biens de consommation comme les autres. Les grands groupes de la distribution ne doivent pas se voir confier les pleins pouvoirs dans leurs relations avec les agriculteurs, sous peine de mettre en péril des pans entiers de notre agriculture, tandis que s’opère un véritable racket sur les consommateurs, captifs des hypermarchés, et dont le pouvoir d’achat se dégrade.
Notre responsabilité est d’apporter des réponses à la hauteur des enjeux et des besoins. Les mesures que nous vous présentons ne visent qu’à rétablir un juste équilibre entre tous les acteurs de la filière, au bénéfice des consommateurs et des paysans.
C’est pourquoi je vous invite à soutenir des mesures d’encadrement des prix et des marges qui sont aujourd’hui indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

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Pierre
Gosnat

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