Interventions

Explications de vote et scrutins

Encadrement des loyers et renforcement de la solidarité urbaine

Dans les explications de vote, la parole est à M. Pierre Gosnat, pour le groupe GDR.
M. Pierre Gosnat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé du logement, mes chers collègues, lors des débats sur cette proposition de loi d’encadrement des loyers et de renforcement de la solidarité urbaine , les députés de la majorité et M. le secrétaire d’État se sont livrés à un exercice d’équilibriste consistant à affirmer qu’ils partageaient avec nous le constat de crise du logement tout en qualifiant nos propositions de « fausses bonnes idées ».
Chers collègues de la majorité, vous reconnaissez qu’il manque des logements, que se loger est devenu un parcours du combattant, surtout dans les zones dites tendues ; vous dressez par là même un réquisitoire sans appel contre votre propre politique. Pourtant, vous balayez d’un revers de manche tout dispositif qui n’émerge pas de vos bancs.
Cette excellente proposition de loi comporte pourtant des mesures à la hauteur des exigences. Ce texte part d’un constat simple, celui du renchérissement et de la pénurie de logements. Après dix ans de pouvoir de droite et sept lois sur le logement depuis 2002, le bilan de la politique de la majorité est très contestable : il manque un million de logements sociaux, 3,5 millions de personnes sont en situation d’habitation précaire, 82 % des citoyens déclarent qu’il est difficile de se loger, 60 % d’entre eux craignent de devenir SDF.
Selon un article du Parisien paru le 21 septembre dernier, 59 % des Français se déclarent favorables à une limitation des loyers et des prix de vente. Pour eux, la priorité n’est pas tant de devenir propriétaire que d’être bien logés. Or, en dix ans, les prix ont explosé. À Paris, les prix des locations ont doublé, et, en petite et grande couronne, ils ont progressé de plus de 40 %.
Le niveau actuel des loyers entretient le phénomène de ségrégation territoriale et sociale. Jadis facteur d’élévation sociale et d’intégration républicaine, le logement est devenu au cours des années l’un des marqueurs fondamentaux des nouvelles inégalités et injustices.
Cette situation est le résultat d’une politique délibérée de marchandisation du logement. J’en fixe l’origine à la loi Barre de 1977. À cette époque, le logement ne représentait que 13 % du budget des ménages. Aujourd’hui, les loyers sans les charges accaparent en moyenne 25 % des budgets familiaux. Cette part atteint 50 % pour les ménages les plus fragiles. Depuis plusieurs années, les politiques gouvernementales surfinancent le logement privé, nourrissant les phénomènes spéculatifs. Le logement est devenu un investissement comme les autres, un moyen de rémunération du capital. Parallèlement, le Gouvernement s’est désengagé massivement du financement du logement social alors que la demande n’a jamais été aussi massive.
Dans ce contexte, cette proposition de loi, de quatre articles, concerne à la fois le logement privé et le logement social.
En préambule, nous interdisons toute expulsion à l’encontre de personnes rencontrant des difficultés économiques et sociales.
M. Jean-Paul Lecoq. Très bien !
M. Pierre Gosnat. Ainsi, nous renforçons le devoir de solidarité qui incombe à l’ensemble de notre société.
Nous voulons aussi développer l’offre de logements sociaux. C’est pourquoi nous proposons de renforcer l’article 55 de la loi SRU – de solidarité et de renouvellement urbain – en imposant un seuil de 30 % de logements sociaux obligatoires pour les villes situées dans des zones tendues et de 25 % sur le reste du territoire. Les sanctions contre les villes qui n’appliquent pas la loi seront considérablement renforcées : multiplication par dix des pénalités ; restrictions de la dotation globale de fonctionnement et des subventions publiques ; transfert de compétences vers le préfet, chargé d’appliquer la loi SRU…
M. Jean-Paul Lecoq. Enfin !
M. Pierre Gosnat. …et interdiction de construire des programmes de plus de dix logements privés.
Quant aux logements vacants, qui représentent près de 6 % du parc locatif, il faut absolument les mettre à la disposition des locataires. Nous proposons donc de rendre obligatoire, en zone tendue, le droit de réquisition du préfet, et de renforcer la taxe sur les logements vacants.
Pour le logement privé, nous proposons qu’un plafond de loyer soit fixé par arrêté préfectoral dans chaque bassin de vie. Une telle disposition pourrait permettre une baisse des loyers dans certaines villes, notamment à Paris. Lors du débat en séance, vous avez déclaré, monsieur le secrétaire d’État, que cette mesure diminuerait la rentabilité locative et découragerait les investisseurs. Vous avez même ajouté que si un propriétaire était contraint de louer à 800 euros au lieu de 1000 euros, cela conduirait à la dégradation du bâti ! Mais 800 euros ou 1000 euros, n’est-ce pas déjà considérable quand on sait que le SMIC est à l200 euros par mois ? Trouvez-vous normal que la location d’un bien immobilier moyen rapporte plus qu’un mois de travail ?
Vos dires témoignent à eux seuls de la priorité que vous donnez à votre action, à savoir maintenir et renforcer la rentabilité des investissements immobiliers. Dès lors, comment contenir le prix du logement ? Ce n’est clairement pas l’orientation que vous donnez à votre politique.
Pour nous, le logement n’est pas une marchandise comme les autres. C’est un bien d’utilité publique qui doit être encadré par les pouvoirs publics, comme c’est le cas en Allemagne et aux Pays-Bas.
C’est le sens de cette proposition de loi, reprise par le programme du Front de gauche, l’humain d’abord, que je vous demande de voter aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

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Pierre
Gosnat

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