Interventions

Explications de vote et scrutins

Education : lutte contre l’absentéisme scolaire

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si la lutte contre l’absentéisme scolaire constitue une préoccupation majeure de tout responsable politique, dans le fond, la proposition de loi que le groupe UMP nous invite aujourd’hui à adopter n’est que le prétexte – comme l’a souligné mon collègue Jean-Paul Lecoq lors du débat général – à la mise en avant d’une idée populiste, répressive et démagogique par excellence. Car, au bout du compte, vous ne proposez que l’aggravation d’un dispositif déjà existant et qui a fait la preuve de son inefficacité : la suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire injustifié.
La majorité semble tout ignorer des causes réelles de ce problème. Elle aurait été mieux inspirée de veiller à l’application stricte de l’article 48 de la loi pour l’égalité des chances instituant le contrat de responsabilité parentale, que le Gouvernement a imposé ici même en 2006, article qui prévoyait que les effets de ce contrat « en termes de réduction d’absentéisme et de troubles portés au fonctionnement des établissements scolaires feront l’objet, au plus tard au 30 décembre 2007, d’une évaluation ». Presque trois ans après, nous attendons toujours ce bilan.
Votre rapport, monsieur le rapporteur, fait l’impasse sur l’essentiel, la responsabilité du Gouvernement dans la situation actuelle : les 60 000 postes supprimés depuis 2003, la décision d’en finir avec la carte scolaire, l’incapacité à répondre aux problèmes de remplacement, l’offensive contre les RASED, les CPE, les « co-psy » et la médecine scolaire, qui jouent pourtant un rôle fondamental dans la prévention de l’absentéisme.
La tendance du Gouvernement et la majorité à instrumentaliser les chiffres n’est pas de nature à permettre d’aborder cette question avec responsabilité. Le taux d’absentéisme moyen de 7 % masque en fait de fortes disparités selon les établissements, qu’ils soient classés en zone d’éducation prioritaire ou non. D’autre part, si l’on a constaté un pic en 2007-2008, vous vous gardez bien de rappeler, monsieur le ministre, que la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance de votre ministère l’a notamment attribué aux mouvements de grève suite au projet de réforme des formations professionnelles en lycée.
Plusieurs raisons peuvent conduire au décrochage scolaire : des situations familiales précaires, parfois dramatiques, des orientations non choisies, comme le prouvent les chiffres élevés d’absentéisme en lycée professionnel, des affectations dans un établissement éloigné du domicile, la fatigue, des emplois du temps mal construits, et parfois même, tout simplement, le manque de sens des enseignements pour ces jeunes et ces enfants.
Les associations lycéennes évoquent aussi le faible niveau des bourses, qui oblige certains lycéens à se salarier.
Au lieu de vous atteler à faire évoluer notre système éducatif, vous choisissez de vous en prendre aux familles. Ce dispositif sera contre-productif car la suspension des allocations familiales, tout en risquant de pénaliser le reste de la fratrie, fragilisera davantage leur situation économique et sociale. Comble du cynisme : alors qu’il est reconnu que l’absentéisme touche d’abord les quartiers défavorisés, vous envisagez de réduire les revenus minimum de ces familles en conséquence. C’est scandaleux, et votre loi stigmatisera davantage les plus modestes et les habitants des quartiers populaires.
Toutes les parties ont fait part de leur hostilité : le président de la Caisse nationale d’allocations familiales, les syndicats d’enseignants et le syndicat des inspecteurs d’académie, les fédérations de parents d’élèves et la majorité des présidents de conseils généraux.
En 2003, alors que M. Sarkozy était ministre de l’intérieur, vous décidiez d’abroger un dispositif similaire en exposant les motifs de la future loi relative à l’accueil et à la protection de l’enfance de la façon suivante : « Le non-respect de l’obligation scolaire est un phénomène complexe. Il est très souvent signe d’un mal-être de l’élève, de souffrances qui peuvent être d’origine scolaire, personnelle ou familiale. Le droit en vigueur en matière d’obligation scolaire se caractérise par un dispositif de suspension et de suppression des prestations familiales, dont l’application s’est révélée inefficace et inéquitable. Parce que l’assiduité scolaire constitue un devoir pour les enfants, une obligation pour les parents et une chance pour les familles, le Gouvernement propose d’abroger le dispositif administratif de suppression ou suspension des prestations familiales ».
Les députés communistes, républicains et du parti de gauche ainsi que l’ensemble du groupe de la gauche démocrate et républicaine ne sont pas dupes de vos manœuvres grossières. Vous avez refusé tous nos amendements destinés à remettre à plat les procédures d’alerte et d’aide aux familles. Nous voterons donc résolument contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

Imprimer cet article

Marie-Hélène
Amiable

Députée des Hauts-de-Seine (11ème circonscription)
Voir cette intervention sur le site de l'Assemblée Nationale

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques