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Economie sociale et solidaire (EV)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’une des ambitions affichées du projet de loi sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer cet après-midi est de reconnaître enfin le secteur de l’économie sociale et solidaire comme une forme d’économie à part entière. Rappelons que ce secteur pèse 10 % de la richesse nationale et emploie 10 % des salariés français, dans plus de 200 000 structures.
L’économie sociale et solidaire prouve chaque jour que l’économie peut poursuivre d’autres objectifs que la seule recherche du profit, et qu’il existe d’autres règles que celles du marché pour produire et distribuer les biens et services. Elle prouve encore que les exigences en termes d’utilité sociale et de répartition de la valeur ajoutée peuvent être mises au service de l’emploi, de la citoyenneté, du développement durable, de la transition énergétique et des biens communs.
Les députés du Front de gauche approuvent ces orientations. Nous pensons qu’outre la promotion des services et établissements publics, il est aujourd’hui nécessaire d’encourager des formes décentralisées de propriété sociale et de systématiser le recours aux modes d’organisation propres à l’économie sociale et solidaire.
Le présent texte poursuit l’objectif de développer, d’ouvrir et de sécuriser juridiquement tous les organismes considérés aujourd’hui comme appartenant à ce secteur dynamique et en croissance régulière, qu’il s’agisse de coopératives, de mutuelles, de fondations ou d’associations.
Si l’économie sociale et solidaire doit poursuivre son développement, si nous devons l’y aider, il ne faudra pas qu’elle cède sur ses principes essentiels : travailler autrement, remettre l’économie au service de l’homme, favoriser le partage égal des fruits du travail, combattre le court-termisme et l’appât du gain. Cette éthique est plus particulièrement portée par les chambres régionales de l’économie sociale et leur conseil national. Nous avons pris acte de la reconnaissance de leur action par le Gouvernement.
Ces pratiques vertueuses doivent désormais polliniser l’économie traditionnelle, et non l’inverse. Or les modèles économiques de ce que l’on appelle parfois le « tiers secteur » sont quelquefois bousculés, l’argent devenant d’autant plus le nerf de la guerre que nous sommes en période de réduction des subventions publiques.
Du fait du désengagement de l’État et des collectivités, nous assistons à un brouillage des lignes. Des entreprises classiques à vocation sociale inventent de nouveaux modèles économiques rentables dans des secteurs jusque-là réservés plutôt aux associations tels le social, l’inclusion et même l’aide au développement.
Comme le décrivait également un récent article du Monde diplomatique sur les conditions de travail et d’emploi dans l’économie sociale et solidaire, « le salaire d’un travailleur du secteur est inférieur à ceux du privé. C’est particulièrement vrai dans le milieu associatif, principal employeur de l’économie sociale et solidaire avec 78 % de ses salariés, soit 1 800 000 personnes : le salaire y est inférieur de 17 % à celui observé dans le secteur marchand ».
Les contrats précaires et la faiblesse des rémunérations brouillent la frontière entre salariat et bénévolat, instaurent un flou entre travailleur aidant et usager aidé. Les usages constatés ici ou là montrent le chemin à parcourir pour être à la hauteur des principes affichés. D’où l’importance de bien définir les normes sociales qui décident de l’appartenance au secteur.
J’en viens maintenant au vif regret qui est le nôtre de ne pas trouver dans ce texte un véritable droit de rachat prioritaire, à offres égales, pour les salariés, qui leur permettrait de reprendre leur entreprise sous forme de coopérative : une simple information se substitue au final au droit de préemption, un engagement parmi d’autres du candidat François Hollande qui est abandonné.
Nous disons cependant notre satisfaction concernant de nombreuses dispositions de ce texte de loi, notamment l’article 15 et le dispositif d’amorçage applicable aux sociétés coopératives et participatives.
En dépit des quelques insuffisances du texte, les députés du Front de gauche voteront en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC et sur plusieurs bancs du groupe RRDP.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

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