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Economie : réforme du crédit à la consommation

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons beaucoup d’estime pour vous, mais nous regrettons que Mme Lagarde soit défaillante ! Certes, elle se trouve en Chine, mais le Président et son épouse s’y trouvant aussi, on peut se demander ce qu’elle va y faire, surtout sachant le rôle des ministres lorsque Sa Majesté impériale est elle-même présente ! (Sourires.)
Nous sommes aujourd’hui réunis pour procéder au vote du projet de loi portant réforme du crédit à la consommation. Vu l’état de notre démocratie, dont les fondements sont chaque jour un peu plus sapés par le Président de la République, c’est presque quelque chose d’exceptionnel que de solliciter encore le vote des représentants de la nation ! En réalité, monsieur le secrétaire d’État, et vous le savez pour avoir lu le compte rendu des débats au Journal officiel , il s’agit d’une farce, non d’une farce confectionnée par les excellents artisans que vous fréquentez, mais d’une farce au sens lyonnais, donc d’une mauvaise farce de Guignol ! Le déroulement des débats sur ce texte l’a, une fois de plus, tristement illustré.
Nous n’étions pas assez naïfs pour penser que le Gouvernement allait accepter les amendements du groupe de la gauche démocrate et républicaine, ni même ceux du groupe socialiste, Jean Gaubert vient de le rappeler. Après tout, on peut bien considérer comme démocratiquement acceptable, à défaut d’être réellement démocratique, le fait que la majorité gouverne seule, même si les remarques de l’opposition relèvent parfois, voire souvent, du bon sens. Nous ne nous attendions donc pas à ce que vous transformiez en profondeur ce mauvais texte. Mais je dois dire que le mépris avec lequel le Gouvernement a traité sa propre majorité, et, par conséquent, l’institution parlementaire dans son ensemble, nous a laissés pantois, au moins dans un premier temps. Au point que je me demande, ma chère collègue qui remplacez M. Borloo sur ces bancs – et je m’adresse également à vous, monsieur le président, qui êtes médecin –, s’il n’y a pas sur les bancs de l’UMP des collègues qui ont une caractéristique morphologique particulière ou une vertu « gastro-entérologique » exceptionnelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La caractéristique morphologique serait de ne pas avoir de colonne vertébrale et la vertu gastro-entérologique serait d’avoir un estomac permettant d’avaler toutes les couleuvres ! (Sourires sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Alors que votre majorité avait adopté un certain nombre d’amendements qui visaient à améliorer, au moins à la marge, votre projet initial, la ministre s’est obstinée à « faire sauter » ces dispositions, un tant soit peu utiles, en imposant une seconde délibération. Avec cette arme antiparlementaire par excellence, toujours pas mieux encadrée par la réforme constitutionnelle dont vous prétendiez pourtant qu’elle allait « revaloriser le rôle du Parlement », vous avez réussi à revenir sur l’interdiction du démarchage à domicile, cette pratique commerciale extrêmement pénible, voire agressive, qui confine au harcèlement des plus faibles en particulier. De même, vous êtes revenus sur ce qu’on appelle la « double signature », à savoir le fait de demander la signature des deux conjoints lors de la contraction d’un crédit afin d’éviter que l’un des conjoints se retrouve à son insu avec une dette énorme sur le dos. Laquelle ou lequel d’entre nous n’y a pas été confronté dans sa permanence ?
Pourquoi ne pas avoir accepté ces améliorations pourtant modestes et souhaitées par votre propre majorité ? Pourquoi ne pas avoir présenté un texte qui réponde réellement au fléau du surendettement ? Ce fléau qui touche plus 800000 foyers et dont l’origine est à chercher dans le concours d’un accident de la vie indépendant de la volonté des victimes, de la faiblesse générale des salaires et d’un appétit indécent et insatiable des établissements de crédit, premiers bénéficiaires de la misère des familles qu’ils tondent.
Pourquoi ? Tout simplement parce que, contrairement à la plupart de nos concitoyens, vous vivez dans un monde totalement déconnecté de la réalité. Votre vision de l’économie est tellement déformée qu’elle ne prend en compte que les intérêts des grands groupes et des banques. Je vous rappelle que le coût des crédits renouvelables dépasse 50 % au bout de quelques années, alors que les banques, elles, s’approvisionnent en liquidités à un taux annuel d’environ 2 %. De l’argent toujours moins cher pour les uns, des taux d’usure extraordinairement élevés pour la majorité ; 2 milliards de bonus pour les traders en 2009 d’un côté, 2 millions de personnes surendettées de l’autre ; près de 8,5 milliards d’euros de bénéfices nets pour BNP Paribas et le Crédit agricole, principaux acteurs du crédit à la consommation, contre une hausse de 18 % du surendettement et plus de 600000 emplois détruits depuis le début de la crise !
Voilà le système dans lequel vous vous situez. Parce que vous ne voulez pas mettre fin au crédit renouvelable et que vous vous opposez à la création d’un crédit social, nous allons renouveler notre opposition à votre politique perverse – dont participe également le texte sur les paris en ligne – qui vise à enrichir les privilégiés au détriment des plus modestes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs du groupe SRC.)
 

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Jean-Pierre
Brard

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