Interventions

Explications de vote et scrutins

Conditions mise sur le marché de certain produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire

Votre texte ne convainc pas. En effet, si difficultés il y a dans la filière betteravière, elles sont dues, nous l’avons dit et répété, à la réforme de 2017 qui a supprimé les quotas sucriers. La libéralisation totale du marché du sucre, le choix de la surproduction organisée par les groupes sucriers et la chute des prix qui en a découlé pour les planteurs entretiennent plus encore l’obligation de rendement maximum qui les étrangle. Avec un prix de 20 euros par tonne, la betterave ne paie plus. En bout de chaîne, la restructuration des sucreries, des distilleries et des unités de transformation a d’ores et déjà commencé, bien avant la crise de la jaunisse. Tereos, Cristal Union et Saint-Louis Sucre, les trois principaux groupes sucriers installés en France, ont déjà fermé plusieurs unités de production.

D’autres ont été placées en arrêt partiel d’activité et je vous répète, monsieur le ministre, que certaines unités de production ont été mises sous cloche.

Cette stratégie de libéralisation à tous crins a déjà produit ses effets sur le revenu et l’emploi des planteurs et des salariés de la filière. Des licenciements sont d’ores et déjà en marche. Et voilà qu’un aléa naturel intervient : la maladie de la jaunisse, transmise par le fameux puceron vert, est endémique et en lien avec les caractéristiques climatiques pendant la période de pousse des betteraves. Voilà qui suffirait à réintroduire temporairement l’usage des néonicotinoïdes, ce pesticide particulièrement dangereux, interdit en 2016 à l’échelle européenne ! Il est dangereux pour les insectes, pour les abeilles, pour la biodiversité et pour la santé humaine – même si, sur ces bancs, personne n’est capable de l’affirmer malgré l’état actuel des recherches, ce qui est scandaleux.

Il s’agit d’un recul grave, contraire au droit français de l’environnement et malheureusement permis par la réglementation européenne, qui comportait dès 2016 une possibilité de dérogation qu’ont utilisée onze pays européens – c’est inqualifiable ! Nous mesurons là à quel point il y a loin de la coupe aux lèvres s’agissant de la promotion d’une agriculture plus propre, d’autant plus que dès 2016, l’agro-industrie betteravière a pesé de tout son poids contre l’interdiction des néonicotinoïdes. Notons que parallèlement, la recherche de solutions alternatives n’a pas bénéficié d’engagements suffisants pour aboutir et parer aux maladies auxquelles la betterave est exposée.

Dans ces conditions, rejoindre le contingent des pays qui dérogent à l’interdiction constituerait la première marche vers un recul majeur. Une telle décision porterait de nouveau l’empreinte de toutes les tares liées à l’utilisation d’un tel pesticide, sans aucune certitude de pouvoir en sortir puisque le plan de recherche devant aboutir dans trois ans constitue déjà un tour de force, de l’aveu même des chercheurs.

Rejoignant les voix de plusieurs groupes, nous pensons quant à nous qu’il y a lieu de compenser les pertes de récolte en accordant un soutien financier aux planteurs – sous une forme que vous dites avoir examinée avant d’y renoncer quoi qu’il en coûte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.) C’est pourtant une voie raisonnable face à un aléa dont, cette année, l’intensité est forte, mais qui ne se reproduira pas automatiquement dans les années à venir.

C’est en faveur d’une telle sage décision que l’effort de recherche doit être porté à la puissance dix, sans oukase sur le résultat.

Surtout, cette filière doit faire l’objet d’un plan de rééquilibrage et de régulation de la production qui soit dégagé des griffes du marché et du productivisme. Les planteurs sont prêts à prendre cette trajectoire, à l’opposé des grands industriels sucriers. Elle permettrait de mieux répartir la valeur en faveur de ceux qui travaillent la terre et qui veulent continuer de la travailler proprement pour eux-mêmes et pour leur environnement.

Monsieur le ministre, vous avez donné votre accord à la représentation de l’Institut de l’abeille au conseil de surveillance créé par votre texte, mais souhaitons que cette représentation ne soit pas l’œil de Caïn au fond de la tombe de la biodiversité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et EDS.)

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Hubert
Wulfranc

Député de Seine-Maritime (3ème circonscription)
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