Que les huit présidents de groupe s’unissent autour d’une résolution condamnant l’offensive militaire turque est extraordinaire et exemplaire.
Le débat que nous avons aujourd’hui éclaire toutefois de manière crue et terrible la dérive autoritaire du pouvoir turc, qui fait face aux échecs de sa politique sociale et économique et se radicalise à la suite des défaites électorales cinglantes qu’il a essuyées partout dans le pays, particulièrement à Istanbul. Dans une Turquie exsangue, cette offensive militaire peut être comprise comme une tentative désespérée du pouvoir turc de faire diversion en s’attaquant à un ennemi fantasmé, le Parti des travailleurs du Kurdistan – le PKK –, dont les députés communistes persistent à demander l’exclusion de la liste des organisations considérées comme terroristes par le Conseil de l’Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Les députés communistes saluent tous ceux qui bravent le régime et tentent, coûte que coûte, de faire vivre la démocratie en Turquie. Il ne faut jamais faire porter aux peuples les erreurs de leurs dirigeants. Avec cette résolution, notre Assemblée ne restera pas silencieuse sur ces graves événements ; le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s’en félicite.
Cette offensive constitue une triple violation du droit international. Elle constitue d’abord une annexion territoriale du Rojava, qui est contraire au respect des frontières et dénote un mépris total pour la souveraineté de l’État syrien. Elle poursuit ensuite l’objectif de créer une zone peuplée par les Syriens actuellement réfugiés en Turquie. La déportation de populations doit être dénoncée avec la plus grande fermeté. Elle est enfin menée pour éliminer les Kurdes syriens vivant sur ce territoire. Affirmons-le : il s’agit d’un nettoyage ethnique et d’un drame majeur. Nous exprimons toute notre solidarité à ces peuples qui luttent sous les bombes.
Cette opération turque est d’autant plus insupportable que les forces démocratiques syriennes qui sont attaquées sont composées en majorité des Kurdes formant les Unités de protection du peuple – les YPG. Ces femmes et ces hommes sont nos alliés : ils ont lutté au sol contre Daech, ont tenu le terrain et consenti aux plus grands sacrifices humains. Les villes du Rojava sont décimées et les photos des femmes et des hommes morts au combat fleurissent partout dans les lieux publics. N’oublions pas que ces citoyens ont pris les armes pour protéger non seulement leur région, mais aussi le monde entier, contre l’accroissement territorial de Daech.
Le Rojava est aussi une construction politique, fruit d’une révolution progressiste qu’il importe de valoriser. En pleine guerre, cette région est parvenue à s’organiser selon le principe d’égalité entre les femmes et les hommes, en prônant la laïcité, en dépassant les clivages ethniques et religieux et en mettant en avant une construction politique pacifique. En un mot, il s’agit pour nous d’un exemple.
L’expérience politique du Rojava est aujourd’hui compromise par la lenteur de l’Europe à s’opposer à l’absurdité de la politique américaine et à la violence de la politique turque. L’étouffement de cette expérience arrangerait-il les dirigeants de notre monde ultralibéral ?
Le pouvoir d’Erdogan n’a en tout cas pas été inquiété dans cette action. La France doit agir, et les moyens existent. Quoique… Si le pouvoir d’Erdogan n’a pas été inquiété par la communauté internationale, c’est peut-être du fait de l’appartenance de la Turquie à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord.
Le mécanisme de l’alliance bloque aujourd’hui tous les États de l’OTAN, et donc la France, qui souhaitent condamner cette offensive militaire et agir contre elle. Preuve est ici faite de la nocivité de l’OTAN.
Les députés communistes l’ont déjà demandé et le redisent ici : il faut que la France sorte de l’OTAN et il faut travailler à dissoudre cette organisation qui n’a d’intérêt que pour les vendeurs d’armes. La place de la Turquie au sein de l’OTAN est d’autant plus importante qu’elle accueille sur son territoire des armes nucléaires des États-Unis, ce qui renforce la gêne de l’alliance à aller contre les intérêts américains.
En Turquie comme ailleurs, l’arme nucléaire est un obstacle à la diplomatie et à la discussion, et donc à la paix. Ces armes sont nocives, où qu’elles se trouvent. Les députés communistes ne cesseront de dénoncer leur existence, car elles constituent une menace intolérable pour l’humanité et pour l’environnement. Nous militerons toujours pour que notre pays agisse pour le désarmement global et total.
Les députés communistes voteront la proposition de résolution, en soulignant l’importance, particulièrement dans cette région du monde, de cette révolution féministe, laïque et pacifiste, en rappelant que l’effet des armes nucléaires et de l’OTAN nous conduit à l’impasse dans laquelle nous sommes aujourd’hui et en remerciant spécialement Marielle de Sarnez pour son écoute et sa réactivité. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)