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Explications de vote et scrutins

Collectivités territoriales : le Grand Paris

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, plus que tout autre texte, celui sur le Grand Paris aura été marqué par l’agenda politique et électoral, les résultats des dernières élections régionales, particulièrement en Île-de-France, exprimant un net désaveu de cette réforme.
Pourtant, la manœuvre originelle était habile : un discours présidentiel ronflant, il y a un an, pour dévoiler un projet de Grand Paris présenté comme « le plus grand défi de la politique du XXIe siècle » ; puis le lancement d’une consultation auprès des dix plus grands cabinets d’architectes ; enfin la présentation d’un texte qui, à leur grande surprise, ne reprend rien de leur travail.
C’est finalement sur la constitution d’un grand réseau de transport, dont le coût est estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros – financé principalement par le recours à l’emprunt –, que nous sommes appelés à nous prononcer. L’examen de ce texte à l’Assemblée puis au Sénat n’a guère modifié son économie générale. Certes, les conclusions de la commission mixte paritaire réintroduisent le projet de transport Arc Express, qui sera finalement débattu conjointement avec le Grand Huit dans le cadre de la commission nationale du débat public.
Reste que cette maigre avancée ne suffit pas à masquer les autres régressions entérinées par la CMP, comme l’élargissement de 250 à 400 mètres du périmètre autour des futures gares géré par la société du Grand Paris. Pire encore, pour mener à bien ses opérations urbaines, cette dernière ne sera plus contrainte de signer des contrats de développement territorial avec les communes qui pourront donc se voir imposer des projets spéculatifs contraires aux besoins des populations qu’elles représentent.
Au final, la CMP n’a fait que confirmer la recentralisation autoritaire, la reprise en main par l’État de l’aménagement du territoire de l’Île-de-France : ainsi, suppression de la taxe professionnelle, Grand Paris, réforme des collectivités territoriales, tous ces textes se complètent et s’articulent pour refondre la carte institutionnelle de notre pays et encadrer l’exercice de la démocratie citoyenne.
En imposant la création de la société du Grand Paris, pilotée par un triumvirat directement nommé par le Gouvernement, et en reléguant le STIF au deuxième plan, vous méprisez le choix des Franciliens exprimé lors des dernières élections, pour leur imposer un projet d’aménagement d’essence profondément libérale.
La Société du Grand Paris, organisée sur le modèle de la société anonyme et dotée de possibilités d’expropriation et d’urbanisation couvrant quatre fois la surface de Paris, sera en réalité chargée de privatiser l’espace public.
Quant à la création de clusters – ou « pôles de développement » –, elle répond à une logique de mise en concurrence des territoires en organisant une spécialisation des espaces qui ne va pas manquer d’accentuer les inégalités et déséquilibres dont nous souffrons. En effet, le pôle de développement inclut autant qu’il exclut. Le choix d’un aménagement spécifique sur un territoire contraint entraîne inévitablement la délimitation d’une « zone du dehors » délaissée. À l’heure d’Internet et du développement de la communication immatérielle, vous en restez à un projet d’arrière-garde.
Ainsi, votre incapacité à penser la ville, la région et le monde demain, vous confine dans l’application autoritaire de dogmes économiques et politiques dont nous constatons chaque jour la faillite.
Vous le faites avec une hypocrisie intolérable en organisant, une fois le dossier bouclé, un simulacre de consultation, sous le slogan : « Le Grand Paris : une grande idée qui a besoin des vôtres ».
Puisque, apparemment, votre « grande idée » a besoin des nôtres, je vais vous les rappeler brièvement.
Les députés de notre groupe sont favorables à un développement concerté de la région Île-de-France, fondé sur les bassins de populations et sur leurs besoins : l’emploi, le logement, les transports, l’environnement et la santé. Y répondre exige de la volonté politique et les moyens financiers qui s’y attachent.
Un maillage fin du réseau de transports, et des services publics en général, particulièrement dans les quartiers populaires, permettrait de limiter l’impact écologique des déplacements tout en répondant aux besoins de mobilité.
Notre avenir ne dépend pas de « territoires stratégiques », mais bien de l’équilibre de l’ensemble de la région au service de tous ses habitants, banlieues et zones rurales incluses.
Rien dans ce texte ne va dans ce sens. C’est pourquoi les députés communistes, républicains et du Parti de gauche voteront contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
 

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Jacqueline
Fraysse

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