Interventions

Explications de vote et scrutins

Budget : loi de finances 2008

M. Carrez a eu raison de le souligner : jamais discussion budgétaire n’avait été aussi courte. Il y a une raison à cela : il n’y avait rien dans ce projet de loi de finances, hormis des cadeaux aux plus riches.
Tout au long de ces cinq semaines de discussion, nous vous avons alertés, madame et messieurs les ministres, sur les dégâts que vont provoquer les réductions d’effectifs et de moyens dans de nombreux services publics et administrations de l’État. Nos concitoyens vont ressentir ces dégâts dans leur vie quotidienne et dans celle de leurs enfants, en même temps qu’ils subissent les conséquences de l’envolée des prix des denrées alimentaires, des produits pétroliers, des loyers et des charges, des dépenses médicales non remboursées. Vous avez certainement été attentifs, madame et messieurs les ministres, aux propos de M. François Fillon, qui a reconnu tout à l’heure qu’un problème de pouvoir d’achat se posait. On l’a même entendu dire devant les caméras de télévision – et vous étiez là aussi, monsieur Karoutchi – qu’il souhaitait redistribuer les gros bénéfices aux salariés. Il y a de quoi faire ! On vous jugera évidemment sur votre capacité à faire ce que vous dites…
Dans ce contexte, les proclamations triomphalistes de Mme Lagarde, de M. Woerth et d’autres, au seul vu du chiffre de la croissance au troisième trimestre, relèvent tout bonnement de l’intoxication. D’ailleurs, Mme Lagarde a évoqué, tout à l’heure, le déficit public qu’il faudrait réduire, ajoutant prudemment : « si la situation le permet ». Madame Lagarde, nous serions en droit de vous demander ce que vous pouvez bien voir dans votre boule de cristal, vous qui faites toujours des prévisions extraordinaires. On sent, dans votre propos d’aujourd’hui, que la prudence commence à pointer son nez. (Sourires.)
Ces proclamations viennent après que Mme Lagarde a benoîtement conseillé aux personnes pour lesquelles le carburant est devenu trop cher de marcher à pied ou de rouler à bicyclette. Je l’ai dit : nous attendions la reine Christine et nous avons eu Marie-Antoinette. (Sourires.) La reine Christine, elle au moins, allait à cheval, pas à pied !
Les prévisions de croissance à moyen terme, notamment celles de l’Union européenne, démentent vos rodomontades. Rappelons-les : 1,9 % pour 2007, 2 % pour 2008 et 1,8 % pour 2009. Le Gouvernement s’entête à entretenir les illusions, les faux espoirs qui ont, il est vrai, nourri toute la campagne présidentielle de M. Sarkozy lorsqu’il se présentait comme le président de la hausse du pouvoir d’achat : il avait oublié de préciser qu’il parlait du sien. L’évolution du pouvoir d’achat et, plus globalement, du niveau de vie, mesurée par l’INSEE dans la dernière édition de France, portrait social, fait apparaître que, entre 2002 et 2005, notre société est devenue plus inégalitaire. Cela, madame et messieurs les ministres, c’est votre bilan. Vous êtes au pouvoir depuis 2002. Le niveau de vie moyen des 10 % de Français les plus pauvres a baissé de 0,1 % en moyenne chaque année, alors que celui des 5 % les plus riches a augmenté de 1 % par an. Comme le constate l’INSEE, « 2002-2005 tranche avec la période 1996-2002, caractérisée par une tendance à la baisse des inégalités de niveaux de vie et de la pauvreté monétaire ». Votre politique creuse les inégalités, aggrave les déséquilibres et les tensions de notre société.
Au lieu de corriger ces inégalités, la fiscalité les aggrave, et ces déséquilibres sont accentués à grands coups de cadeaux aux ménages les plus riches. Je n’aurai pas besoin de les énumérer, vous l’avez déjà fait. Vous aggravez les coupes sombres, on l’a dit, avec des suppressions de postes à l’éducation nationale, dans les tribunaux ou ailleurs.
Monsieur le président, puisque vous m’y incitez, je veux conclure en vous disant ce que nous allons voter. À propos de ce budget, Mme la ministre a parlé d’une politique économique volontaire. J’ignore ce qu’est une politique économique volontaire.
Si l’on parle français, on peut dire d’une politique qu’elle est « volontariste », mais sans doute un séjour prolongé aux États-Unis fait-il perdre une certaine familiarité avec notre langue.
Je termine, monsieur le président, en disant que, en matière de finances publiques et, dans la continuité de ce que vous avez fait ces dernières années, vous aggravez encore vos dispositions. Pour ce qui nous concerne, nous nous opposerons à ce budget de non-assistance aux habitants de notre pays qui connaissent des fins de mois de plus en plus difficiles, alors que les privilégiés nagent dans l’opulence et, pour le coup, madame la ministre, volontairement, du fait de votre politique.

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Jean-Pierre
Brard

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