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Aménagement du territoire : instauration d’un bouclier rural au service des territoires d’avenir

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’examen de cette proposition de loi à l’initiative de nos collègues socialistes, cette assemblée a connu, pendant quelques heures, un regain d’intérêt pour la politique d’aménagement du territoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.) Ce débat m’interpelle tout particulièrement en tant qu’élu rural d’un territoire qui exprime, comme beaucoup d’autres, tous les potentiels et toute la diversité des campagnes françaises.
Même si, à mon sens, cette proposition ne va pas assez loin dans la démonstration des effets des politiques libérales conduites aux niveaux international et européen, avec comme corollaire la mise en concurrence des territoires entre eux, et qu’elle peut paraître incomplète sur certains points, elle a le mérite de renouer avec un discours volontariste.
La disparition récente du ministre de l’aménagement rural a été le point d’orgue du désengagement de la majorité envers l’espace rural. Depuis trop longtemps, les campagnes de France ne sont plus perçues comme une chance, mais comme un fardeau. Bien sûr, pour faire bonne figure, on vient régulièrement les « visiter » lors d’incursions héliportées aussi éphémères que tapageuses.
Bien sûr, on s’adresse à leurs habitants avec des discours bucoliques plein de compassion, voire infantilisants.
Depuis bientôt dix ans, la droite a-t-elle fait autre chose que d’appliquer à ces territoires son discours fataliste et sa cartographie négative ? Depuis dix ans, qu’a-t-on fait de plus que de tenir un discours incantatoire sur les mérites qu’ils pourraient tirer de leur inscription dans la compétition internationale ? Rien !
Il n’était que d’entendre, jeudi dernier, certains députés de la majorité claironner encore sur les immenses bienfaits pour les ruraux, ici de la fermeture d’une maternité, là de l’immense progrès consécutif à la transformation d’un bureau de poste en point de contact, là-bas de la suppression d’une école pour mieux servir l’intérêt des élèves. Quelle mascarade !
La cure d’austérité que, en bons praticiens libéraux, vous imposez au pays ne fait pas dans le détail sur les territoires les plus fragiles. Et la pommade sémantique de M. le ministre n’apaise en rien le malaise grandissant qui s’est exprimé avec force dans tout le pays lors des élections cantonales.
Chers collègues de la majorité, votre politique de déménagement territorial est d’autant plus néfaste qu’elle méprise profondément l’humain. D’ailleurs, vos réponses aux interpellations de mes collègues socialistes vont toutes dans la même direction : il suffirait de donner quelques mégaoctets supplémentaires, quelques points de visioconférence pour faire une grande politique d’aménagement rural.
Ce saupoudrage dérisoire montre combien le Gouvernement a fait le choix de la compétition contre la solidarité, de la compétitivité contre la coopération, du froid pragmatisme de la rentabilité contre l’impérieux retour de la chaleur humaine et du lien social. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
En disant cela, je pense à tous ceux qui, depuis des années, ont analysé les mutations de l’espace rural, ont pointé ses besoins spécifiques, ses ressources indéniables et la nécessité d’un volontarisme politique à même de porter un renouveau de civilisation pour toute la ruralité. Je pense aux perspectives novatrices que portaient les propos du célèbre géographe Bernard Kayser lorsque, dans les années quatre-vingt-dix, il soulignait les occasions qu’offraient ces campagnes, lorsqu’il parlait de « renaissance rurale » pour peu que l’on se donne les moyens politiques de « réinvestir les campagnes ».
Nous ne cessons de nous éloigner chaque jour de ces plaidoyers pour une ruralité vivante, riche de ses initiatives locales, de ses capacités d’innovation sociale, pour une simple et bonne raison : le volontarisme et la solidarité territoriale qu’ils impliquent ont été jetés aux oubliettes avec la RGPP, la casse des services publics, la réforme territoriale, l’assèchement des moyens aux collectivités. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Monsieur le ministre, je vous le dis en toute franchise : votre politique d’aménagement du territoire pour l’espace rural est simple à décrire : c’est l’absence de politique. Nous pourrions presque, en écho négatif au titre de l’ouvrage collectif de Kayser publié en 1996, Ils ont choisi la campagne, retracer dix ans d’abandon politique de l’espace rural sous le titre : Ils ont lâché les campagnes. Quant au discours récurrent sur l’indispensable recherche de compétitivité, il ne convainc plus personne.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite, comme les députés communistes et du parti de gauche et l’ensemble du groupe GDR, à voter ce texte, d’abord en signe de rejet de cette politique d’abandon, mais aussi comme un signe de volontarisme retrouvé pour les campagnes de France. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
 

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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