C’est dans le contexte de crise interminable de l’hôpital public, de pénurie de médecins de ville et de creusement des inégalités sociales et territoriales dans l’accès aux soins, que nous devons aujourd’hui nous prononcer sur la proposition de loi portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé. Ce texte se fixe pour objectif de faire évoluer les fonctions de certains personnels paramédicaux ainsi que les conditions d’accès aux soins pour les patients.
Fort heureusement, la rapporteure, Mme Rist, a déclaré d’emblée que ce texte ne réglerait pas à lui seul les problèmes que nous connaissons tous très bien. Je dis « fort heureusement » car c’est au moins une preuve de lucidité. Dès la première lecture de ce texte, les députés communistes et ultramarins du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont souligné l’insuffisance d’une telle proposition de loi pour répondre au défi de notre pays en matière d’accès aux soins.
Fort malheureusement, la question persiste. Pourquoi reculer encore devant l’urgence qui s’impose, l’élaboration d’un projet de loi d’envergure qui viserait à rebâtir l’hôpital public et la médecine de ville ? Il est très délicat de prendre le problème par un bout et de tenter de colmater les brèches. C’est aussi fort dangereux car le risque, à terme, est d’être contre-productif.
Tout au long des débats, nous avons insisté pour que le nouveau partage de tâches dessiné par cette proposition de loi ne se fasse pas au détriment du parcours de soins. Coordonné par le médecin généraliste – traitant quand c’est encore possible –, il constitue un gage de sécurité pour le patient et l’ensemble des professionnels de santé qui interviennent.
C’est la raison pour laquelle nous disons encore aujourd’hui notre inquiétude à l’égard de la méthode et de la précipitation qui a pu guider la rédaction de ce texte.
Celui-ci intègre dans le droit commun des expérimentations qui n’ont pas encore débuté – comme la revalorisation des fonctions des IPA – ou sont en voie d’achèvement et sur lesquelles nous ne disposons d’aucun recul – c’est le cas de l’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes. Les premiers retours concernant les IPA mettent en lumière certaines difficultés : protocoles de coopération trop rigides entre médecins et IPA ; difficultés pour ceux qui exercent en libéral à se construire une patientèle ; difficultés d’accès à la formation continue. Autant d’embûches auxquelles les expérimentations pourraient apporter des réponses, à condition qu’elles soient menées à leur terme. C’est d’ailleurs à cause de cette forme de précipitation que des débats très animés se sont tenus au sein de cette assemblée mais également au Sénat, et jusqu’en CMP.
La question des CPTS est au cœur de ces débats. Un accord a été trouvé, qui consiste à les retirer du périmètre de l’accès direct sauf, à titre expérimental, dans six départements. Nous espérons cette fois que l’expérimentation sera menée à son terme avant d’être généralisée.
Notre groupe a indiqué que les CPTS ne sont pas des structures de soins, que leur rôle est d’organiser les soins et que, dès lors, elles n’entrent pas dans le périmètre d’une collaboration pluriprofessionnelle concrète. Loin d’un partage des tâches dans le cadre d’un exercice complémentaire et coordonné par le médecin généraliste, on risque de se trouver face à un glissement de tâches, qui ne viserait qu’à pallier le manque de médecins. Cela pourrait mener à une dérive, celle d’une sous-pratique médicale.
Nous le réaffirmons ici : il n’y a, de notre part, aucune défiance envers les professionnels de santé. Mais la confiance, que la proposition de loi met en avant, repose sur les moyens qui leur sont donnés pour travailler ensemble pour leurs patients. Les débats autour des CPTS ont bien montré qu’à vouloir combler hâtivement et artificiellement la pénurie de médecins généralistes et le manque de moyens financiers, on court le risque de désorganiser les parcours de soins.
La confiance est essentielle mais la reconnaissance l’est tout autant – celle-ci est même une manifestation tangible de celle-là. Or la proposition de loi fait l’impasse totale sur la revalorisation salariale des professionnels de santé.
Sans nier les quelques avancées bienvenues sur le terrain et attendues par de nombreux professionnels de santé, nous estimons que cette proposition de loi illustre votre volonté de ne pas réformer radicalement la politique de santé. Les propositions que nous avons formulées pour mettre fin aux déserts médicaux ou pour refonder l’hôpital public sont toujours à votre disposition.
Pour toutes ces raisons, les députés du groupe GDR s’abstiendront. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)