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Agriculture : renforcement durable de la compétitivité

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de cette proposition de loi du Nouveau Centre a montré l’ampleur du décalage entre les maux profonds dont sont victimes nos agriculteurs et le traitement libéral que la droite au pouvoir depuis 2002 entend appliquer sans relâche à une situation dramatique qu’elle a elle-même contribué à précipiter.
Arc-boutés sur les « charges qui pèsent sur le coût du travail », vous nous avez décliné pour l’agriculture les recettes usées du MEDEF, excluant ainsi tout débat de fond sur les problèmes structurels que sont les prix d’achat aux producteurs et le revenu des agriculteurs, la régulation des échanges internationaux et l’indispensable sortie du secteur agricole de l’OMC, au encore la transformation de notre modèle agricole européen dans le cadre de la future PAC.
Bien sûr, personne n’est dupe du caractère pré-électoral de cette initiative parlementaire.
Elle n’apporte évidemment rien aux choix fondamentaux qui se dessinent à Bruxelles, mais elle vous a permis de faire monter la mayonnaise contre le modèle social de notre pays, éternel coupable de « surcharges », de « poids » et de « largesses » qui sont selon vous causes de tous les maux.
Pourquoi la stratégie du bouc émissaire ne fonctionnerait-elle pas aussi pour l’agriculture ?
Mais pourquoi, cher collègue Dionis du Séjour, ne pas avoir attaché autant d’importance à évaluer le « poids » des « charges financières » qui « pèsent » sur les exploitations ou le poids de la spéculation financière sur les prix d’achat des matières premières agricoles pour l’alimentation animale ?
Mais pourquoi ne pas avoir parlé des « largesses » des accords de libre-échange en discussion entre l’Union Européenne et les pays tiers sur les quotas d’importation de viande bovine, ou encore de la baisse des droits de douane que propose l’OMC sur les importations de viande, qui viendront directement concurrencer nos élevages ?
À votre décharge, chers collègues du centre et de la majorité, vous semblez atteints d’une cécité chronique pour certaines charges ! Cette sorte de maladie infantile du capitalisme vous conduit à reproduire sans cesse des discours convenus sur les « charges sociales », occultant ainsi les questions de fond. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Fort heureusement, les auteurs de cette proposition de loi ont d’ores et déjà été rassurés en séance publique : le ministre a répondu favorablement à leur demande de dumping social, puisqu’il travaille à une exonération de cotisations sociales plus poussée pour l’automne 2011, applicable au 1er janvier 2012.
En commission, monsieur le ministre, vous vous êtes dit « favorable à une harmonisation sociale européenne, qui doit se faire par le haut », ainsi qu’à « un salaire minimum européen », affirmant vous opposer « à tout alignement vers le bas ». Dire cela, tout en travaillant d’arrache-pied à détricoter la protection sociale et le revenu des salariés de votre propre pays, c’est une performance !
Pour réaliser ce miracle, monsieur le ministre, vous avez développé en séance publique un argumentaire juridique tout à fait admirable : vous auriez trouvé le chemin de l’eurocompatibilité des exonérations sociales grâce à l’arrêt Royaume de Belgique de la Cour de justice des communautés européennes en date du 17 juin 1999, selon lequel « les cotisations sociales peuvent être fixées en tenant compte pour certains secteurs de la nécessité de maintenir ou de développer l’emploi, à l’exclusion des motifs de compétitivité ». La béatification du marché est engagée – à moins que ce ne soit tout simplement le chemin des retrouvailles avec les centristes pour 2012 !
Il me paraît assez savoureux de trouver des dizaines de fois dans vos interventions la recherche de compétitivité comme planche de salut pour l’agriculture, et de vous voir contraint de justifier cette politique de compétitivité en évitant soigneusement de faire référence à cette notion pour garantir l’eurocompatibilité de vos mesures de casse sociale !
Je suis encore plus abasourdi lorsque vous faites part de différentes pistes pour l’instauration d’un dispositif d’indexation sur le coût de l’alimentation animale qui serait mis en œuvre pour dédouaner la grande distribution de ses responsabilités, afin de soutenir les prix d’achat aux producteurs en cas de hausse des prix de l’alimentation animale : vous proposez une simple répercussion par la hausse des prix à la consommation !
Décidément, avec la droite, nous ne sommes jamais à l’abri de solutions miracles se limitant à des innovations financières néfastes pour l’intérêt général. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)
Le signal que représente cette proposition de loi s’appuie sur un mythe entretenu par l’économie dominante selon lequel la pression à la baisse sur les salaires et la protection sociale seraient mécaniquement créatrices d’emploi. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pour toutes ces raisons, il convient de rejeter ce texte d’inspiration libérale.
Il ne permettra pas de résoudre les problèmes de l’agriculture ; il s’évertue au contraire à confondre les causes et les conséquences pour mieux servir le moins-disant social. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
 

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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