De mémoire de député, je n’ai jamais connu de CMP aussi ubuesque et opaque, aussi peu transparente sur la nature des accords conclus. À force de vouloir négocier avec tout le monde, on finit par négocier avec soi-même !
Pour reprendre un terme employé par le ministre de l’intérieur, qui semble préoccupé par un état d’esprit qui conduirait au bordel permanent, peut-on dire que le texte règle le bordel qui règne dans le pays en matière d’énergies renouvelables ? Non, bien évidemment, il ne règle rien de ce bordel organisé.
D’abord, vous vous révélez incapables de reprendre la main sur le marché et d’incarner un État stratège, qui planifie et régule. J’en veux pour preuve que la crise énergétique s’enkyste. La semaine dernière, j’ai réuni les boulangers de ma circonscription, et les mesures que vous proposez ne règlent pas leurs problèmes. Chaque jour, je suis saisi par des entreprises de mon territoire, notamment des PME, qui me disent que votre incapacité à reprendre la main sur la construction des prix va fragiliser leur souveraineté.
Autrement dit, ce texte ne remet pas en cause la sacro-sainte règle du marché qui se régale de tout.
Ensuite, pour en venir au texte lui-même, vous avez refusé de prendre en considération des propositions solides et pragmatiques qui auraient permis de définir des seuils de saturation, afin d’éviter la situation que nous connaissons dans les Hauts-de-France, dans le nord de la Seine-Maritime et dans le Grand Est, à savoir un trop-plein d’ENR qui étouffe et humilie les territoires. (M. Jean-Louis Bricout acquiesce.) Nous voudrions mieux partager, avec d’autres, l’effort de développement des énergies renouvelables.
Vous avez refusé de prendre en considération, en les rejetant parfois de quelques voix à peine, des amendements solides relatifs à la commande publique et au relèvement du niveau d’exigence environnementale, qui auraient permis de structurer des filières de production made in France .
Vous avez gravé dans le marbre de ce texte un grand nombre de reculs démocratiques et environnementaux, toujours au nom du marché qu’il faudrait satisfaire. Vous avez rétabli au forceps la raison impérative d’intérêt public majeur, que plusieurs d’entre nous considéraient comme une ligne rouge à ne pas franchir si l’on voulait garantir une bonne acceptabilité du développement des énergies renouvelables.
Enfin, malgré les efforts sérieux et sincères des rapporteurs, que je reconnais, vous aboutissez à une planification complètement alambiquée et floue. Vous sous-entendez que les maires pourraient reprendre la main sur la définition des zones propices ou des zones d’accélération, selon l’appellation retenue, mais ne dites rien du fait que les préfets pourront continuer à favoriser le développement de projets dans les zones qui n’auront pas été définies comme prioritaires par les élus de proximité, tout en concédant aux intercommunalités la possibilité d’émettre, dans le cadre des Scot, des avis dont on ignore s’ils seront conformes, simples ou uniquement destinés à amuser la galerie.
S’agissant des énergies renouvelables en mer, je concède que vous avez progressé, sur notre proposition, en ce qui concerne l’élaboration des documents stratégiques de façade (DSF). Toutefois, vous êtes là encore restés au milieu du gué, en refusant de graver dans le marbre la protection de la pêche artisanale à dimension humaine, que la profession vous demandait, ainsi que la protection de la bande côtière, signe qui était attendu et aurait été apprécié par nos pêcheurs, confrontés au Brexit, à la pêche à la senne démersale et à de nombreuses autres pratiques qui pillent nos fonds et portent atteinte à l’identité de nos ports et à ce qui fait leur originalité.
Vous avez négligé nos propositions visant à sortir de la logique de marché. Vous persistez à ne pas vouloir promouvoir un concept qui pourrait être utile dans d’autres domaines : la loi qui protège, la loi qui prend soin, la loi qui favorise l’égalité territoriale et l’égalité républicaine. À un moment où, droits dans vos bottes, vous continuez à vouloir porter de rudes coups au modèle de protection sociale à la française, à un moment où vous êtes confrontés à un blackout social, qui s’est exprimé lors de manifestations massives dans tout le pays, notamment dans les villes moyennes, le groupe communiste est heureux de vous confirmer qu’il votera contre ce mauvais projet de loi.