Comme chaque fois qu’une question importante lui est posée, le groupe GDR-NUPES – sa composante communiste comme sa composante ultramarine – se prononce en fonction du texte et du contexte.
Le contexte, vous le connaissez : c’est une crise énergétique sans précédent depuis 1973, qui fait mal aux vies et qui fragilise l’économie réelle – celle des boulangers et des 12 millions de Français qui achètent leur pain chaque matin –, jusqu’aux industries créatrices d’emplois et de richesses, dont la compétitivité est considérablement bousculée. C’est notamment sur les factures d’énergie que cette crise fait mal : 2023 sera l’année de tous les dangers pour les restaurateurs, les commerces et les PME, qui risquent de mettre la clé sous la porte. Prenez garde : le « quoi qu’il en coûte » devient, pour un très grand nombre de Français, le « quoi qu’il en chauffe ».
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Parce que, depuis vingt ans, vous laissez le marché faire son œuvre ; parce que vous refusez d’instaurer le seul bouclier tarifaire qui vaille, à savoir les tarifs réglementés pour les usagers, les acteurs économiques et les communes ; et parce que, malgré vos coups de menton réitérés et inefficaces, vous êtes incapables de taper du poing sur la table des négociations bruxelloises pour obtenir des Allemands que les prix du gaz et de l’électricité soient décorrélés, comme en ont décidé les Espagnols et les Portugais.
Alors que nous faisons face à un immense défi climatique – que le Président de la République a semblé découvrir à la faveur de ses vœux – qui supposerait de rassembler les Français autour d’une politique énergétique publique claire, souveraine, décarbonée, équilibrée et consentie, vous conservez cette idée fixe, cette religion qui, d’une certaine manière, vous habite : votre obstination à vouloir rassurer les marchés plutôt que les Français. Cette phrase, vous vous en doutez, prend une signification toute particulière le jour où vous annoncez vouloir mettre en œuvre votre réforme des retraites, dont les Français savent qu’elle touchera les classes moyennes, les ouvriers, les employés, les moins diplômés – bref, tous ceux qui ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche.
Le texte relatif aux énergies renouvelables qui est soumis à notre approbation ne répond évidemment à aucune de ces questions fondamentales. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES. – Mme Clémence Guetté applaudit également.) Vous ne tirez aucun enseignement des vingt ans de libéralisation qui ont transformé l’énergie en marchandise. Vous ne dressez aucun bilan des trop nombreuses années pendant lesquelles l’État a refusé d’assumer son rôle de stratège et de planificateur au service d’un mix énergétique équilibré et intelligent. Vous vous contentez, en optant pour un calendrier parlementaire inversé et incohérent – l’accélération des énergies renouvelables et du nucléaire passant avant l’élaboration d’une loi de programmation sur l’énergie –, de prétendre accélérer à tout prix, n’importe comment, avec n’importe qui, en laissant le marché faire ses courses.
Malgré vos velléités de séduction, voire d’endormissement, de l’opposition, qui se sont traduites par la concession de quelques amendements ici ou là pour corriger le texte, nous considérons que vous n’avez cédé que sur des miettes.
Le texte reste flou quant à la capacité des communes – instances de la démocratie vivante et de la proximité – à peser jusqu’au bout sur les outils de planification. Malgré l’amendement dont nous avons obtenu l’adoption avec notre collègue Delphine Batho, il reste aussi en panne s’agissant de la définition de seuils de saturation qui auraient permis de cesser de développer les énergies renouvelables là où il y en a déjà trop, comme dans les Hauts-de-France ou dans le nord de la Seine-Maritime.
En rétablissant la reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) pour certains projets d’énergies renouvelables, une ligne rouge a été franchie contre l’avis du Parlement : le texte permettra de faire tout et n’importe quoi, au détriment du respect des règles environnementales ou des qualités architecturales et patrimoniales qui font la France. À l’heure où les Tréportais déposent un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne, permettez-moi de dire que votre refus de prendre en considération les conflits d’usage et de sacraliser la bande côtière pour faire un geste en faveur de la pêche artisanale, est un mauvais signal.
Votre impuissance à incarner un État qui protège est flagrante. Votre incapacité à confier la planification du développement des énergies renouvelables à la puissance publique, pour structurer des filières made in France et pour reconnaître, comme nos collègues ultramarins l’ont proposé, l’extraordinaire potentiel d’innovation des outre-mer en matière de développement des énergies renouvelables (Mme Karine Lebon applaudit) , montre bien qu’en réalité, l’enjeu n’était pas là : votre objectif était d’accélérer la dérégulation du marché de l’énergie.
Toutes ces raisons – et bien d’autres, que j’aurais pu développer si le temps me l’avait permis – conduiront le groupe GDR-NUPES à refuser de vous donner un blanc-seing, en ce mardi 10 janvier où, après deux crises majeures, vous déclarez la guerre sociale aux Français avec votre réforme des retraites.
Nous voterons donc contre votre mauvais projet. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES et LFI-NUPES.)