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Rapport de la commission d’enquête sur les maladies professionnelles dans l’industrie (n°1181)

Cette commission d’enquête dresse une état des lieux des polluants chimiques dans l’industrie, des troubles psychosociaux et des conditions du travail posté. Elle apporte des réponses sur l’état des installations et la nature des mesures prises pour faire dès aujourd’hui la lumière.

Elle cherche à évaluer l’état des normes en vigueur et leur pertinence, à recenser les actions entreprises et à proposer un plan d’action pour lutter efficacement contre les maladies éliminables. Elle cherche également à mesurer l’efficacité de l’action publique en la matière, ainsi qu’à évaluer les moyens dont disposent les services de santé au travail pour assurer leurs missions.

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R A P P O R T FAIT AU NOM DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE sur les maladies et pathologies professionnelles dans l’industrie (risques chimiques, psychosociaux ou physiques) et les moyens à déployer pour leur élimination

Président M. JULIEN BOROWCZYK
Rapporteur M. PIERRE DHARRÉVILLE

INTRODUCTION

Des femmes, des hommes meurent encore de travailler au XXIe siècle. Des femmes, des hommes abîment encore leur vie à la gagner. En silence, dans l’ombre, trop souvent. Ainsi, chaque année, ce sont en moyenne 50 000 personnes qui se voient reconnaître une maladie professionnelle.

Dans le port industriel de Fos-sur-Mer, se côtoient depuis cinquante ans des industries chimiques, pétrochimiques, sidérurgiques, etc. On y connaît le drame de l’amiante. C’est pourquoi l’on peut lire sur une stèle érigée à Port-de-Bouc : « En souvenir de toutes les victimes de l’amiante. Ils savaient, ils n’ont rien fait. »

On y connaît bien d’autres drames encore. Les émissions de polluants atmosphériques liés à l’industrie ou aux transports y alimentent la chronique et y provoquent l’inquiétude. Les ouvriers de l’industrie sont en première ligne. Et depuis des décennies, dans ce bassin, les salariés innovent et agissent contre les maladies éliminables. On y a même établi le cadastre des postes de travail qui les produisent. Mais le sentiment est là que l’on ne parvient plus vraiment à avancer, que cette bataille cruciale s’enlise, ici comme ailleurs.

Le sujet paraît-il dépassé ? L’objet de cette commission d’enquête est bien de replacer la question dans le paysage. Et c’est au carrefour des enjeux sociaux, économiques et environnementaux que se situe la santé au travail. Reprenons les mots.

La santé. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il s’agit d’un « état de complet bien-être physique, mental et social » qui « ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Et il serait dérisoire de se rendre capable de soigner si l’on ne faisait pas tout pour prévenir, c’est-à-dire pour empêcher que soit mise en cause la santé dans toutes ses dimensions. Or, elle peut être affectée par des accidents ou par des maladies. Si l’une peut parfois résulter de l’autre, ce sont deux réalités que l’on peut distinguer. Et si les accidents peuvent être violents au point parfois de causer la mort, les maladies sont souvent plus insidieuses et plus durables. Et leur caractère professionnel moins évident à établir, puisqu’il résulte d’événements qui peuvent être moins identifiables dans le temps. Aucune politique de santé digne de ce nom, aucune politique de prévention qui se respecte, ne peuvent ignorer, ni même négliger, le champ du travail. D’autant plus que les conditions du travail (et donc la santé de celles et ceux qui louent leur force de travail) sont au centre d’intérêts contradictoires.

Le travail. Lorsque l’on passe trente-cinq heures par semaine au travail, soit une part conséquente de son existence, comment imaginer que cela ne puisse pas avoir d’impact sur la santé. D’autant plus que l’on fournit un effort, que l’on délivre un acte. Un acte de production, de création, un acte de participation. Cet acte engage celui ou celle qui le pose. Et c’est aussi en cela qu’il est susceptible de l’affecter. Or, c’est bien le travail sous toutes ses formes qui crée la plus-value, qui crée la richesse. C’est la raison pour laquelle il est au cœur des mutations qui s’opèrent sous le feu de la concurrence mondialisée : les technologies changent, les métiers sont soumis à rude épreuve, les organisations sont bouleversées... Et l’humain, au cœur de cette tectonique, est trop souvent abîmé. Ce sont les corps et les esprits qui sont mobilisés, qui sont utilisés, qui sont instrumentalisés. La cause pour laquelle ils le sont mérite-t-elle qu’ils en souffrent ? Pourtant, il faut bien gagner son pain et celui des siens. Et l’on se sent parfois pris au piège : jusqu’où suis-je prêt à donner de moi-même pour un salaire ? Cette tension existe depuis les origines. Depuis la mine où l’on se voyait placé face à un choix : prendre le temps de consolider les galeries dans les règles ou bien augmenter son volume de charbon dans les wagonnets pour boucler correctement la fin du mois. Or l’humain au travail, c’est celui ou celle qui exerce un métier. Un métier pour lequel il s’est formé, ayant acquis un savoir et un savoir-faire. Mais tout cela est percuté par l’exigence de polyvalence, la logique de flux tendus, la dépréciation du travail bien fait, les nouvelles servitudes imposées par les outils numériques, la parcellisation des tâches... Et, à force d’intensification, l’on en arrive trop souvent au stade du travail empêché. Un décalage se creuse entre le travail prescrit et le travail réel.

L’industrie. Environ trois millions de personnes travaillent dans le secteur (1), malgré la destruction massive d’emplois ces dernières décennies (2). Parmi eux, ces ouvriers, ces invisibles dont le travail est essentiel à répondre aux besoins matériels. Ils, elles sont la catégorie la plus touchée. Bien sûr, on peut contracter des maladies professionnelles dans tous types de postes de travail, y compris ailleurs que dans l’industrie. Mais il faut bien dire que les unités de production industrielle sont des lieux où l’on est particulièrement exposé. Parce que c’est là que l’on manipule la matière, y compris la matière dangereuse, pour la transformer par des procédés parfois lourds, et parfois complexes. Parce que c’est là que les machines les plus gigantesques s’agitent, que les tonnes de marchandises s’accumulent, se stockent, transitent. Parce que c’est là un des lieux où s’exercent le plus, peut-être, les contradictions du monde, avec des restructurations, des mutations, des réorganisations. Et comment négliger les effets des évolutions des activités industrielles, qui se modifient avec l’utilisation de nouvelles techniques et de nouvelles technologies pour produire autrement, et utilisent de nouveaux modes de production et d’organisation en recourant à la fragmentation et à l’externalisation des tâches, ou encore à l’automatisation, la robotisation et la numérisation ?

Notre enquête nous a donc conduits au cœur du travail. Et l’aborder avec l’ambition de la santé peut être de nature à le transformer et à activer sa dimension émancipatrice. C’est là un bon angle pour s’attaquer au mal-travail. En effet, à l’heure de la compétitivité, de la rentabilité et de la productivité, n’est-il pas salutaire de s’intéresser aux conditions de travail, pas simplement en général, mais bien celles du travail vécu ?

Depuis l’irruption de la machine à vapeur, ces exigences ont été au centre des revendications ouvrières, sur le temps de travail comme sur les conditions matérielles. La conscience grandissant au fil de l’aventure industrielle, des dispositifs se sont élaborés, composant sur la base du degré d’acceptation du risque, et le degré d’acceptation de l’exposition. Ils ont évolué jusque dans la dernière période. Et à la faveur du vif débat sur les ordonnances, la question est remontée sur le sommet de la pile.

La commission d’enquête a procédé à 23 auditions individuelles ou en table ronde ; elle a procédé à trois déplacements sur le terrain dans des bassins industriels de nature différente. Au fil de ce panorama, nous considérons qu’il est possible de faire baisser sensiblement le nombre de victimes de maladies professionnelles dans l’industrie. C’est pourquoi, avec la conviction qu’il est décisif de mobiliser les acteurs de l’entreprise dans leurs responsabilités respectives, nous formulons quarante-trois propositions concrètes pour donner un nouvel élan aux politiques de santé au travail dans l’industrie.

Il s’agit de mieux connaître, pour mieux reconnaître, pour mieux assurer et mieux prévenir.

Car non content de n’être pas assez empêchées, les maladies professionnelles sont sous-reconnues et donc sous-estimées, ce qui porte atteinte à l’efficacité de l’action entreprise. En effet, pour mieux combattre les maladies, il est essentiel d’œuvrer à identifier leurs causes et l’on pêche en méconnaissant ou négligeant les causes professionnelles qui pourraient se révéler. Certes, les liens ne sont pas toujours faciles à établir. Pour le code de la sécurité sociale, une maladie ou pathologie est dite « professionnelle » soit lorsqu’elle est désignée dans un tableau annexé à ce code et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau, soit lorsque qu’elle est la conséquence directe de l’exposition habituelle d’un travailleur à un risque physique, chimique ou biologique ou des conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle.

En nous intéressant aux « risques chimiques, psychosociaux ou physiques », nous traitons la majorité des risques en santé et sécurité du travail. Les risques physiques sont les plus anciens dans la prise de conscience. Ils peuvent être nota

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)
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