En 2021, près de 100 000 dépôts de bilan pourraient intervenir, soit deux fois plus qu’en année normale. Dans le même temps, des centaines de milliers de travailleuses et de travailleurs subissent des plans de licenciement. Pour faire face à cette situation, le fonds de solidarité, trop peu ambitieux à ses débuts, est monté en puissance au fil des mois : désormais, les restaurants, les hôtels fermés mais aussi les entreprises qui en dépendent peuvent être indemnisés par le fonds de solidarité jusqu’à 20 % de leur chiffre d’affaires. Mais les petites entreprises ont une trésorerie très limitée et les aides qui leur sont destinées devraient être amplifiées pour compenser davantage leurs pertes.
Vous semblez pourtant choisir une autre stratégie, celle qui consiste à étendre le fonds de solidarité aux entreprises plus grosses, notamment les plus grandes. Le plafonnement de l’aide à 200 000 euros, suffisant pour les très petites entreprises – TPE – et les petites et moyennes entreprises – PME – excluait les plus grandes entreprises, notamment dans l’hôtellerie. Vos mesures permettront désormais aux groupes comptant jusqu’à 5 000 salariés d’accéder au dispositif du fonds de solidarité.
L’ouverture du fonds de solidarité aux grandes entreprises ne saurait se faire sans conditions, à notre avis. Nous le savons, les 763 plans sociaux comptabilisés depuis mars ont pour beaucoup eu lieu dans des entreprises bénéficiant d’aides publiques. Quelles conditions comptez-vous fixer, monsieur le ministre ? Prévoyez-vous de conditionner l’octroi de ces aides à la non-distribution de dividendes, à l’interdiction de plans de licenciement collectifs et à la publication d’un reporting pays par pays retraçant l’activité des entreprises à travers le monde pour rendre publiques les pratiques d’évasion fiscale ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Griset, ministre délégué. Comme vous l’avez indiqué, madame la députée, le Gouvernement a essayé au fil des mois d’adapter les dispositifs à l’ampleur et à la durée de la crise. Les aides du fonds de solidarité, à partir du mois de mars, ont été fixées à 1 500 euros pour les entreprises ayant perdu 70 % de leur chiffre d’affaires ; à partir du mois de novembre, nous avons décidé que ces aides passeraient à 10 000 euros de compensation de chiffres d’affaires pour les entreprises fermées et que celles-ci bénéficieraient aussi d’exonérations de charges sociales ; à partir du mois de décembre, en particulier pour le secteur des cafés, hôtels et restaurants, mais aussi du secteur de l’événementiel, nous avons mis en place un double dispositif : aides allant jusqu’à 10 000 euros ou indemnisation à hauteur de 20 % du chiffres d’affaires, selon le choix des entreprises.
À la suite de cette décision, les représentants de ces professions, en particulier du secteur des cafés, hôtels et restaurants, nous ont expliqué que ce dispositif permettait de couvrir 98 % voire 99 % des entreprises mais pas les frais de certains groupes – ce terme pouvant désigner des personnes physiques possédant une dizaine ou une vingtaine de restaurants.
Les choses ne sont pas encore finalisées car elles font encore l’objet de discussions avec la Commission européenne. Nous envisageons un dispositif qui permettraient d’aller jusqu’à un plafond de 3 millions d’euros pour compenser les pertes de ces entreprises qui, pour beaucoup, je le rappelle, ont connu quatre à cinq mois de fermeture au cours de l’année 2020.
Vous me demandez si nous envisageons de conditionner ces aides, notamment au non-versement de dividendes. Très clairement, madame la députée, la réponse est non : cela n’a jamais été dans les intentions du Gouvernement. Permettez-moi seulement de faire remarquer qu’il semble peu probable que les restaurateurs et les hôteliers versent des dividendes alors que nombre d’entre eux ont perdu 90 % de leur chiffre d’affaires. Il ne me paraît utile que nous prenions semblables dispositions. La sanction va tomber d’office pour ces entrepreneurs.