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Questions sur la mise en œuvre de la loi Agriculture

Monsieur le ministre, je rappellerai les paroles prononcées par le Président de la République à Rungis le 11 octobre 2017, évoquant « la mise en place d’une contractualisation rénovée avec un contrat qui serait proposé par les agriculteurs et non plus les acheteurs [...] pour inverser cette construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production ».

La loi Egalim, votée le 2 octobre 2018, était censée permettre aux producteurs de partir des coûts de production. Or, en définitive, la loi n’a retenu aucun outil public en matière d’indicateurs de coûts de production. Elle n’a institué aucun moyen de pression contraignant sur les distributeurs et les transformateurs, qui eût garanti un retour supérieur de valeur ajoutée aux producteurs. Quel est le constat aujourd’hui ? Est-on sorti de la loi de la jungle dans les négociations commerciales en cours jusqu’au 28 février 2019 entre les entreprises agroalimentaires et les centrales d’achats des grandes surfaces sur les prix que celles-ci percevront pour les produits référencés en magasin dans les douze mois suivants ?

Je prendrai l’exemple de la filière bovine. Les indicateurs des coûts de production ne sont validés que par les producteurs et les distributeurs, avec abstention des principaux groupes industriels, privés ou coopératifs d’ailleurs. Dans ces conditions, les industriels accepteront, peut-être, de contractualiser sur une part des volumes, mais seulement sur une part, rendant le dispositif peu opérant. De plus, le fourragement, depuis le début de l’automne 2018, provoque une décapitalisation, et donc une baisse des prix, dans la mesure où l’offre dépasse durablement la demande.

J’ajouterai que, boulimiques, la restauration hors domicile et d’entreprise, comme les fabricants de plats industriels transformés, privilégient toujours davantage les viandes importées – aux qualités exceptionnelles, comme nous venons de le voir ces derniers jours ! De plus, la perspective est celle de la conclusion de multiples accords de libre-échange.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous faire part – et, s’il vous plaît, « hors méthode Coué » – d’une première évaluation de l’efficacité sur les prix d’achat aux producteurs de la mise en application des premiers articles de la loi en faveur d’une contractualisation plus juste ?

Monsieur le président Chassaigne, je veux rappeler que la volonté, tant du Président de la République que celle exprimée lors des états généraux de l’alimentation, auxquels vous avez tous participé et qui ont été une grande réussite, est d’en finir avec ce qui s’est pratiqué durant des décennies et d’inverser totalement la construction des prix. En effet, ceux qui se font étrangler dans la négociation sont toujours les mêmes. Ce n’était plus possible. D’où le titre Ier de la loi Egalim, qui inverse la construction des prix agricoles.

Un menuisier qui fabriquerait ce banc de ministre ou de commission pour un coût de 100 le vendrait 110, mais un producteur de lait dont le coût de revient est de 39 centimes au litre le vend 30 centimes et un producteur de bœuf ne vend que 3,50 euros le kilo une production qui lui a coûté 5 euros. Ce n’est pas possible ! Changer cette situation est l’enjeu de cette loi.
Je ne peux pas faire le bilan d’une loi entrée en vigueur il y a sept jours seulement, mais j’ai rencontré tous les industriels et les patrons de la grande distribution et n’ai pas hésité à leur mettre la pression. La semaine prochaine, nous réunissons, avec Bruno Le Maire, le comité de suivi des négociations commerciales. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes – DGCCRF – a reçu la consigne de traquer les prix et les manquements à la loi. Je vais interpeller le médiateur des relations commerciales pour qu’il se penche sur ce sujet. Le Gouvernement est tout entier mobilisé pour que les agriculteurs puissent vivre de leur travail et voient leur revenu augmenter.

Est-ce que cela ira assez loin dès la première année ? Je l’espère, mais probablement pas. Nous avancerons marche après marche. Je suis très heureux de l’accord intervenu jeudi dernier dans l’interprofession du bétail et des viandes, Interbev, puisque la filière bovine est tardivement – mais mieux vaut tard que jamais !– parvenue à fixer un coût de production ; l’industriel, comme vous l’avez dit, s’est abstenu, ce qui est normal : il faut un peu forcer l’ensemble de la chaîne, tout le monde, de l’amont à l’aval, devant consentir des efforts. L’objet de cette loi est de faire un effort pour que l’inversion de la construction du prix entraîne un meilleur revenu pour les agriculteurs. CQFD. Ce n’est pas de la langue de bois, c’est la réalité.

M. André Chassaigne. C’est un peu la méthode Coué !

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Ma seconde question porte sur les conditions d’atteinte des objectifs renouvelés en faveur d’une alimentation durable et de qualité, qui faisaient partie du second volet de la loi.

Les articles 24 et 25, en particulier, ont repris des engagements, déjà formulés à maintes reprises depuis les lois issues du Grenelle de l’environnement, en faveur du développement de l’agriculture biologique, que vous connaissez bien. Mais les producteurs qui ont fait, ou qui font, le choix de l’agriculture biologique sont toujours confrontés à des retards de paiement de leurs aides spécifiques pour les campagnes des années 2016, 2017 et 2018. Concrètement, alors que la demande pour ces produits est importante et continue de croître, les producteurs et productrices sont aujourd’hui placés en difficulté, faute d’avoir obtenu le solde des aides dont ils devaient bénéficier pour les dernières campagnes. J’ajoute que ces retards de paiement, insupportables pour les exploitants concernés, se cumulent à la baisse des montants de ces aides et à la suppression de l’aide au maintien. Cette situation est de plus aggravée par la guerre des prix imposée récemment par les grandes et moyennes surfaces aux entreprises de l’agroalimentaire biologique. Cette guerre des prix est d’autant plus préjudiciable que la filière, en développement, manque de produits nationaux.

Alors qu’une réelle dynamique de conversion, enclenchée ces dernières années dans les territoires, se traduit, enfin, par une hausse sensible de la surface agricole utile – SAU – en agriculture biologique au niveau national, les représentants des exploitants de cette agriculture m’ont fait part de leur très grande inquiétude au regard des perspectives de baisse drastique pour 2020 des soutiens d’État en faveur de l’animation et du suivi des projets dans les territoires.

Alors, monsieur le ministre, sur ce point spécifique de l’agriculture biologique, qui vous tient, je le sais, particulièrement à cœur, quels engagements comptez-vous tenir pour déployer de vraies mesures de soutien en face des engagements législatifs dans les années qui viennent ? (MM. Hubert Wulfranc et Dominique Potier applaudissent.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Didier Guillaume, ministre. L’objectif des états généraux de l’alimentation et de la loi Egalim était de promouvoir une alimentation saine, durable et de qualité. Nous allons dans ce sens.
D’abord, la France a une spécificité que tout le monde nous envie : notre alimentation est sécurisée et tracée – nous l’avons encore vu récemment avec le problème de la viande polonaise avariée, réglé en moins de trois jours, ce qui n’est pas forcément le cas dans d’autres pays.
Oui, la guerre des prix est un vrai sujet, sur lequel le Gouvernement – mon collègue de Bercy comme moi-même – exerce une pleine vigilance. Nous allons arrêter cette guerre des prix. Les opérateurs d’autres pays me disent qu’il n’y a qu’en France qu’une négociation s’ouvre sur une déflation ; ailleurs, on tente de faire avancer la filière en partant du niveau du marché. Chez nous, on part de la déflation des grandes surfaces, puis les industries agroalimentaires et les PME augmentent leur effort d’un certain montant : qu’est-ce que cela signifie ? On ne joue pas au bonneteau ! Nous avancerons sur ce sujet.

Vous avez posé plusieurs questions sur le bio. La SAU augmente sensiblement, ce qui nous réjouit : nous continuerons cet effort. Le plan « Ambition bio 2022 », mis en place par ce Gouvernement et voté par cette majorité, apportera 1,1 milliard d’euros : jamais une telle somme d’argent frais n’avait été débloquée ! Il faut donner les moyens aux opérateurs d’atteindre 50 % de signes officiels de la qualité et de l’origine – SIQO – dans la restauration collective, dont 20 % de produits bios ; voilà pourquoi, j’ai demandé aux services d’octroyer deux postes supplémentaires à l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, dite Agence bio, pour l’animation – celle-ci ne baisse donc pas : vous l’aviez tous demandé, et ces postes ont été créés au début de cette année. Tout cela avance.

Comme je l’ai déjà dit ici, je demande de bien vouloir excuser l’État et l’Agence de services et de paiement – ASP –, qui ont été défaillants. Je ne peux pas vous dire autre chose. J’ai totalement interdit à l’administration de créer le moindre problème à un jeune qui n’a pas touché ses aides bios depuis deux ans.

S’il faut intervenir auprès des banques, nous le ferons. Il faut étudier chaque cas personnel. Nous allons dans cette direction, monsieur le président Chassaigne ! (Mme Cendra Motin applaudit.)

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)
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