Dans ce débat, il s’agit non pas de juger les propriétaires ou les locataires – tout le monde mérite le respect –, mais de discuter du bon usage de l’argent public.
Monsieur le ministre, je veux vous donner l’exemple d’une rue de ma chère ville de Saint-Denis – elle existe, elle n’est pas virtuelle – et de quatre immeubles : un immeuble de logements PLAI dans lequel le loyer est de 5,5 euros le mètre carré, hors APL ; un immeuble de logements PLS avec un loyer de 10 euros ; un immeuble en accession sociale à la propriété réservé aux primo-accédants qui bénéficient d’une TVA réduite à 5,5 % et d’un prêt à taux zéro le cas échéant ; un immeuble ouvrant droit à la défiscalisation, destiné à des propriétaires bailleurs qui possèdent d’autres biens.
Afin de construire mieux et plus, il faut remettre à plat la fiscalité du logement et cibler les aides publiques sur ceux qui en ont le plus besoin.
Figurez-vous que sur ces quatre immeubles, celui qui reçoit le plus d’argent public est l’immeuble destiné aux investisseurs déjà multipropriétaires. Ce type d’immeuble bénéficiera de deux fois plus de subsides publics – la Cour des comptes le confirme – que les immeubles en PLAI. Il y a là un effet totalement pervers. Sans compter qu’un immeuble habité par des propriétaires occupants est toujours mieux entretenu, mieux respecté qu’un immeuble appartenant à des propriétaires bailleurs qui regardent cela de très loin et qui louent très cher.
Le loyer sera de 20 euros dans l’immeuble le plus aidé par la puissance publique. Monsieur le ministre, vous plaidiez il y a quelques instants pour la stabilité. Mais il ne faut pas stabiliser un tel système dans lequel ceux qui ont beaucoup reçoivent plus que ceux qui n’ont rien. Afin de construire mieux et plus, il faut remettre à plat la fiscalité du logement et cibler les aides publiques sur ceux qui en ont le plus besoin.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Julien Denormandie, ministre. Je comprends le message que vous souhaitez adresser. Je l’ai dit, nous manquons de logements abordables.
Effectivement, il ne faut pas opposer les uns aux autres. Dans les comparaisons, il faut veiller à prendre en compte l’ensemble des aides, en particulier pour ce qui concerne les PLAI et les PLS – le taux réduit de TVA, l’aide à la pierre, les ressources de la Caisse des dépôts et consignations. En outre, l’investissement locatif, qui permet la construction de logement intermédiaire, fait appel à la fiscalité tandis que le logement social, qui est financé par la Caisse des dépôts et consignations, d’une part, et par les APL, d’autre part, relève de la dépense budgétaire : ce ne sont pas les mêmes outils financiers. L’investissement locatif doit permettre de construire du logement intermédiaire qui est nécessaire dans le parcours résidentiel.
Je comprends le message que vous voulez porter mais j’appelle votre attention sur trois points : la visibilité ; la nécessité de renforcer le logement intermédiaire ; quant à la politique des loyers, le débat n’était pas allé à son terme lors de la discussion de la loi ELAN mais une habilitation à légiférer par ordonnance est prévue. Dans ce cadre, nous pourrons débattre de l’opportunité de fixer des loyers d’entrée plus faibles pour accueillir des publics plus fragiles et des loyers plus élevés pour d’autres.