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Question sur l’école dans la société du numérique

Monsieur le ministre, à l’occasion de ce débat sur l’école dans la société du numérique, je veux vous alerter sur un train que notre pays s’apprête à manquer. Allons-nous continuer longtemps à laisser les savoirs, les élèves et les enseignants à la merci du monopole qu’exercent les GAFAM – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft – sur l’éducation nationale ?
Malheureusement, lors du récent débat en commission sur le projet de loi pour une école de la confiance, vous avez d’ores et déjà repoussé les amendements visant à requérir l’utilisation des logiciels libres dans les apprentissages. C’est incompréhensible du point de vue de la dépense publique : les GAFAM, qui paient si peu d’impôts en France, ne devraient pas prospérer sur le dos de la commande publique française. C’est aussi incompréhensible sur le fond. Quand on dit « numérique », on pense trop souvent à la Silicon Valley ou aux start-up. Or, aujourd’hui, la modernité se trouve plutôt du côté de l’indépendance, de la transparence et de la mise en commun. Microsoft, Google et Apple ne voient dans nos millions d’élèves et d’enseignants que des publics captifs à qui proposer, non pas une culture technique et scientifique émancipatrice, mais une idée du numérique compatible avec leurs stratégies ; ils veulent créer de la dépendance technique à leurs produits.
Votre projet de loi pour une école de la confiance sera-t-il l’occasion d’émanciper l’école ou de prolonger cette tutelle subie aujourd’hui par votre ministère ? Je pense, par exemple, au programme « Jeunes citoyens du numérique », lancé en décembre dernier sur le campus de Microsoft en présence de votre collègue, M. Attal.
La France doit reprendre son destin numérique en main plutôt que de le laisser aux GAFAM. Souvenons-nous que c’est en Europe, à l’université et au Centre européen pour la recherche nucléaire – deux institutions publiques –, qu’ont été créées deux des briques fondamentales de l’internet : Linux et le web. (M. Jean-Michel Mis applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il n’y a pas de différence d’état d’esprit entre vous et moi sur ces enjeux. Lorsque je suis arrivé à la tête de mon ministère, j’ai découvert une polémique concernant les liens entre le pôle des partenariats et un opérateur. J’ai alors mis fin à la coopération qui avait été amorcée. Dans le passé, en tant que recteur, j’ai souvent été en pointe sur l’utilisation des logiciels libres. Aujourd’hui, notre cadre législatif et réglementaire encourage l’usage de ces logiciels.
Je réponds en même temps à M. Reiss, qui s’interrogeait tout à l’heure sur l’absence d’éléments relatifs au numérique dans le projet de loi pour une école de la confiance. En réalité, par honnêteté intellectuelle, je n’ai pas cherché à ajouter des dispositions qui existent déjà. Nous avons tout récemment développé un arsenal juridique pour la mise en œuvre du règlement général sur la protection des données – RGPD –, qui va au-delà de l’éducation nationale mais qui s’applique à notre administration ; nous sommes donc bien conscients des enjeux relatifs à la protection des données, et c’est d’ailleurs ce qui m’a permis de créer le protecteur des données que j’évoquais tout à l’heure.
Sur ce sujet comme sur d’autres, je suis très ouvert à d’éventuels amendements qui nous permettraient d’avancer sur les sujets dont nous débattons aujourd’hui ; cependant, nous nous sommes rendu compte que de nombreux principes avaient déjà été affirmés dans des lois précédentes et qu’il nous reste maintenant à agir dans ce cadre. Je ne suis absolument pas fermé à des amendements sur le sujet du numérique dès lors qu’ils présentent une valeur ajoutée législative par rapport à l’arsenal dont nous disposons déjà.
Oui, nous devons nous protéger contre des usages sans rapport avec la visée éducative. Toutefois, cette ligne directrice n’interdit pas l’utilisation d’opérateurs privés par les élèves ou les professeurs, car les enseignants ont la liberté pédagogique et les élèves ont des usages qu’il faut prendre en compte. Il n’en demeure pas moins que l’éducation nationale a vocation à protéger les données et à encourager l’utilisation de logiciels libres et d’outils communs permettant de garantir à la fois l’accessibilité, la protection et l’égalité numériques dans notre pays.

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Stéphane
Peu

Député de Seine-Saint-Denis (2ème circonscription)

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