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Débat sur le fonctionnement de la justice

Alors que les robes noires et plus généralement les professionnels de la justice avaient déjà de très bonnes raisons d’être en colère en raison de la très discutable réforme de la justice et de la réforme injuste des retraites, les voici maintenant frappés de plein fouet par la crise sanitaire liée au covid-19.

Un avocat des Hauts-de-France déclarait récemment qu’il ne savait pas quelle catastrophe il faudrait pour que les autorités s’aperçoivent que la justice est dans le même état de délitement que l’hôpital. En plein cœur de la crise sanitaire, de nombreux barreaux ont dû se substituer à la puissance publique pour fournir aux avocats qui assuraient les audiences urgentes des masques et du gel hydroalcoolique, et cela grâce à des dons reçus. Certains personnels des tribunaux ont même apporté des draps pour fabriquer, en interne, des masques ! Le télétravail s’avère compliqué car les greffiers et les magistrats ne peuvent, faute de sécurisation, se connecter à certains logiciels à distance pour statuer sur des affaires en cours. Il faut, encore une fois, faire appel à la débrouillardise, au bricolage, pour colmater les failles.

Depuis le début de la crise du coronavirus, l’appareil judiciaire tourne au ralenti, laissant de nombreux détenus sur le carreau. Audiences expédiées ou reprogrammées, détentions provisoires prolongées automatiquement : ce temps de coronajustice rend la situation encore plus difficile. On entrevoit le spectre d’une crise judiciaire profonde.

Comment une justice épuisée par le manque de moyens, qui a déjà du mal, en temps normal, à traiter les affaires courantes, va-t-elle faire pour affronter une vague de nouveaux dossiers, du fait de la probable augmentation des contentieux liés au coronavirus, par exemple devant les prud’hommes ? Voilà la question que je vous pose, madame la ministre. (Mme Caroline Fiat applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Vous me pardonnerez, monsieur Bruneel, de ne pas être totalement d’accord avec vous.

S’agissant des avocats, nos relations avec eux ont été, je le répète, très fréquentes durant cette période – j’ai essayé d’y être attentive. Nous avons fait en sorte qu’ils puissent avoir accès à l’ensemble des dispositifs mis en place par le Gouvernement : le chômage partiel pour les salariés, le fonds de solidarité à destination des petites entreprises, etc. – je ne peux les citer en détail ici. Le ministère de la justice a en outre décidé une avance exceptionnelle d’aide juridictionnelle à hauteur de 50 millions d’euros, applicable dès maintenant. Nous avons donc essayé d’être attentifs. Je rappelle par ailleurs que la mission sur l’avenir de la profession d’avocat, son équilibre économique et ses conditions d’exercice, présidée par Dominique Perben, doit rendre prochainement ses conclusions.

Pour ce qui concerne l’approvisionnement des avocats en masques, vous avez dressé un tableau absolument apocalyptique. Je vous signale qu’il n’y a plus aujourd’hui aucun problème de fourniture de masques.

D’autre part, nous avons suivi la décision du Conseil d’État, qui nous a demandé de mettre les avocats en relation avec les fournisseurs. C’est ce que nous avons fait, et les choses se sont ainsi arrangées.

Vous évoquez le spectre d’une crise judiciaire profonde. Je l’ai dit tout à l’heure : je pense que si la crise du covid-19 va allonger pendant un certain temps les délais d’audiencement, les stocks ne se sont pas particulièrement accrus durant cette période. L’organisation que nous avons adoptée et les mesures que vous avez votées devraient nous permettre de faire face à la nouvelle situation.

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