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Débat sur la souveraineté économique, écologique et sanitaire face à la crise du Covid 19 de la France

Le groupe La République en marche ayant convoqué ce débat sur la souveraineté économique, écologique et sanitaire, je ne peux m’empêcher de souligner l’ironie, voire l’hypocrisie de la démarche, car vous n’avez cessé depuis trois ans de déréglementer, de déréguler les marchés, de dynamiter les protections sociales.

Certes, vous êtes engagés dans la préparation de la nouvelle séquence de la communication présidentielle : le « en même temps » doit désormais se décliner en monde d’après – nouvelle sémantique pour faire croire que tout peut changer pour que rien ne change. Mais allons-y, soyons concrets.

Commençons par la souveraineté sanitaire. Quel douloureux atterrissage pour vous qui semblez découvrir les méfaits du sous-investissement public chronique dans notre système de santé. Mais c’est le fruit de l’austérité budgétaire que vous avez toujours défendue depuis votre arrivée au pouvoir ! On ne peut pas dire que vous n’étiez pas au courant des ravages de votre politique. Depuis 2017, nous vous avons interpellés à des dizaines de reprises sur la situation catastrophique de l’hôpital public et de nos EHPAD, dans le prolongement de notre tour de France de plus de 200 établissements. En réponse, à chaque fois, de jolis mots d’apaisement ; mais aussi, à chaque fois, les sauts de cabri de la doxa budgétaire – baisse des dépenses publiques, baisse des dépenses publiques…

Restaurer la souveraineté sanitaire du pays, cela commence par des mesures fortes : annulation de la dette des hôpitaux et des EHPAD ; embauche massive des personnels ; mobilisation de 10 milliards d’euros sur le budget de l’État pour les investissements les plus urgents en matériel et dans les locaux ; création d’un véritable pôle public du médicament et du matériel médical. Êtes-vous prêts à mettre cet argent sur la table ? Vous le savez, pour répondre, il faut se pencher sur les recettes de la sécurité sociale et de l’État, ces recettes que vous avez asséchées par votre politique au service des privilégiés de la fortune : suppression de l’ISF, transposition du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – en exonérations permanentes, flat tax… Ils sont là, les milliards qui manquent cruellement à notre système de santé, à notre souveraineté sanitaire et à tous nos services publics !

Continuons votre chemin de croix sur la souveraineté économique. Douloureux de revenir sur votre politique d’accompagnement des délocalisations, d’ouverture de tous les secteurs aux échanges internationaux et de soutien permanent au secteur financier. Douloureux de venir parler de souveraineté économique quand tant d’ouvriers ont perdu leur emploi industriel depuis 2017. Douloureux, quand à Plaintel, dans les Côtes-d’Armor, votre gouvernement a laissé disparaître le seul site de fabrication de masques en France. Douloureux, quand à Luxfer, dans le Puy-de-Dôme, cela fait plus d’un an que l’on demande à l’État d’agir efficacement pour la reprise d’activité de cette entreprise, seul fabricant dans l’Union européenne de bouteilles d’oxygène à usage médical. Oui, chers collègues, les productions de matériels et de services et leur localisation doivent être pilotées par un tout autre but que le taux de profit et l’accumulation du capital dans quelques mains. La souveraineté économique qu’il faut conquérir, c’est la souveraineté sur le capital et ses intérêts ; c’est cela qui fera ou non l’efficacité économique du monde d’après. C’est aussi la réponse aux besoins humains et aux enjeux écologiques et le développement des biens communs qui doivent primer, mais êtes-vous prêts, pour cela, à donner aux salariés de nouveaux droits et pouvoirs d’orientation et de décision dans les entreprises, en particulier au sein des grands groupes ?

Souveraineté écologique ? Allons-y ! La réorientation écologique des productions et de l’action publique s’impose, mais êtes-vous prêts aujourd’hui à suivre les recommandations du Haut Conseil pour le climat, que vous avez mis en place, pour mettre fin au « sous-investissement massif dans la maintenance du réseau ferroviaire français » ? Ou à rendre les budgets carbone de la stratégie nationale bas carbone contraignants vis-à-vis de l’ensemble des textes de loi et des lois de finances ? Ou à dégager chaque année, dans les projets de loi de finances, les 10 à 15 milliards d’euros nécessaires à la rénovation énergétique des logements les plusieurs énergivores ?

Je finirai par un thème qui m’est cher, celui de la souveraineté alimentaire. Là aussi, votre soudaine passion pour la souveraineté pourrait faire pleurer dans les chaumières si l’on ne connaissait pas l’historique de vos discours. C’est curieux, chez vous, ce besoin de faire des phrases ; mais les grands mots d’aujourd’hui ne font pas une politique. La Commission européenne poursuit son mandat de négociation des accords de libre-échange avec le consentement tacite de l’Élysée, et une fois le plus dur de la crise sanitaire passé, nous verrons bien votre degré de résistance face à la cordée des actionnaires de l’agroalimentaire et de la grande distribution, qui ont usé de toutes les ficelles pour conforter leurs marges pendant la crise.

En conclusion, permettez-moi, chers collègues, de douter que demain sera pour vous un autre jour. J’ai même la conviction, il faut le dire, que vos grands discours finiront tout droit à la maison mère, au terminus des prétentieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – Mme Christine Pires Beaune applaudit également.)

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