Je veux remercier le groupe LFI-NUPES d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour de notre Assemblée. Il nous permet de revenir sur la vaste opération de communication et de fausses informations lancée par le Gouvernement autour de la revalorisation du traitement des enseignants. Notre sentiment est largement partagé par les syndicats puisqu’ils ont quitté les réunions à ce sujet, les professeurs ayant eu, à raison, le sentiment de s’être fait berner par les annonces parfois contradictoires de l’exécutif. Toutefois, cela ne l’empêche pas de persévérer dans cette mauvaise voie, le Gouvernement pensant, une nouvelle fois, avoir raison contre tout le monde.
Rappelons brièvement les faits. Devant la crise de recrutement des professeurs, face au constat, maintes fois exposé et chiffré, du déclassement des professeurs dans notre pays, tant en termes de rémunérations que de reconnaissance, il fallait prendre des mesures fortes. C’est en tout cas ce qui était attendu par les équipes pédagogiques. Rappelons qu’en euros constants, les enseignants français ont perdu entre 15 et 25 % de rémunération au cours des vingt dernières années. En début de carrière, les professeurs sont passés d’un salaire équivalent à 2,3 fois le Smic en 1980 à un salaire d’à peine 1,2 fois le Smic.
Le traitement des enseignants du primaire et du secondaire après dix ou quinze ans de service est inférieur d’au moins 15 % à la moyenne de l’OCDE et il reste inférieur à la moyenne de l’Union européenne jusqu’à la fin de leur carrière. Dans le même temps, les enseignantes et les enseignants français passent plus de temps à enseigner que ceux des autres pays européens, dans les classes les plus chargées d’Europe.
Dans ce contexte, que nous propose le Gouvernement ? Le projet de loi de finances pour 2023 a prévu une double revalorisation : l’une, dite « socle », de 635 millions d’euros, et l’autre, dite « pacte », c’est-à-dire une revalorisation conditionnée à de nouvelles tâches, pour 300 millions. Concernant les augmentations inconditionnelles, il convient de rappeler que la revalorisation de 10 % comprend les mesures prises depuis 2020, dont la prime d’attractivité et la hausse du point d’indice. De plus, cette augmentation est prévue sous forme de prime ; elle ne comptera donc pas pour la retraite. Mais ce qui suscite la colère des enseignants, à juste titre, c’est la logique du pacte, nouveau mot qui renferme un vieux concept : celui de travailler plus pour gagner plus.
Le ministère veut instaurer plusieurs niveaux d’implication, avec des volumes horaires et une rémunération variables. Ainsi, pour un pacte complet, le ministère prévoit une rémunération de 3 650 euros bruts annuels pour environ 72 heures de travail en plus. En quoi consisteraient ces missions ? Elles pourront inclure des remplacements de courte durée, des heures de soutien en sixième pour les professeurs des écoles, la participation au dispositif « devoirs faits » en sixième, les missions de coordination des dispositifs « vacances apprenantes » ou « école ouverte », l’accompagnement lié à l’école inclusive ou bien du tutorat de nouveaux professeurs.
Sans parler de notre opposition au principe même du « travailler plus pour gagner plus », le pacte n’est pas une revalorisation. Il s’agit, comme le dit l’ancien inspecteur de l’éducation nationale Thierry Lépineux, d’un accroissement rémunéré de la charge de travail, aucunement d’une revalorisation compensant les retards accumulés ces dernières années.
Monsieur le ministre, en préparant cette intervention, je n’ai pas rencontré une organisation syndicale ni lu un seul témoignage de professeur du premier ou du second degré indiquant que cette revalorisation répondait à leurs attentes. Dans le même temps, les mobilisations contre les fermetures de classe se multiplient dans tout le pays : sur le territoire national, ce ne sont pas moins de 1 117 postes qui ont été supprimés.
Nous demandons au Gouvernement de revoir sa copie et, surtout, de la construire avec tout le corps enseignant. Nous demandons le rattrapage sans conditions de leur traitement et son indexation sur l’inflation.
Surtout, nous exigeons une amélioration de leurs conditions de travail par la baisse des effectifs.
(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES.)