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Débat sur la judiciarisation et la criminalisation de l’action militante

J’avais un discours vachement bien écrit, qui dressait la liste des gueules cassées, des vies brisées et des protestations empêchées ces derniers mois. Il mettait l’accent sur la manière dont l’action militante et syndicale a été abîmée ces dernières années, notamment avec la réforme de la loi travail. Et finalement je me suis dit – c’est mon copain Ruffin qui m’a donné l’idée – que dans ce monde de brutes, il fallait peut-être un peu de poésie. J’ai eu envie de relire dans l’hémicycle le poème de Prévert que François Ruffin a revisité et que je trouve d’une profonde actualité pour le débat qui s’annonce. Il s’intitule : Il ne faut pas rire avec ces gens-là.
« Camarades,
Vous avez l’oubli trop facile
Et votre colère tombe vite
Vous êtes vivants... vous aimez rire
Le bourgeois raconte qu’il aime rire
Alors vous riez avec lui
Pourtant son rire n’est pas le même que le vôtre
Ce n’est pas un véritable rire
L’homme rit
Le bourgeois ricane
Écoutez.
En 1871, les communards sont tombés par milliers
Monsieur Thiers souriait
Les femmes du monde souriaient
Elles se payaient une pinte de bon sang
Pendant la fameuse glorieuse dernière avant-dernière grande guerre
Le président Poincaré rigolait dans les cimetières
Oh ! pas aux éclats naturellement
Un petit rire discret
Un petit gloussement
Un rire d’homme du monde
Un joyeux rire d’outre-tombe
Depuis le mois de février on a tué en France beaucoup d’ouvriers
et le président Doumergue n’a pas cessé de sourire
C’est une habitude... un tic...
Deibler aussi quelquefois sourit...
Tardieu sourit...
Hitler aussi...
C’est le sourire du capital
le sourire de la bourgeoisie
c’est le rire de la Vache qui rit
Un rire aimable... un sourire impitoyable.
Excusez-moi, je regrette, dans le fond, je vous aime bien
Et si je donne l’ordre de vous abattre comme des chiens
C’est parce que c’est la coutume, je suis là pour ça, je n’y suis pour rien...
C’est la coutume
il y a trop de travailleurs dans le monde
il faut les expédier dans l’autre
trop de travailleurs, trop de café, [...] trop de fraises des bois,
trop d’instituteurs...
À la mer le café
Au vestiaire la canne à sucre
À l’égout le beurre
Aux chiottes les primeurs [...] »
Il ne faut pas rire avec ces gens-là. Par les temps qui courent, après l’humiliation des ronds-points démantelés chaque jour alors qu’ils se reconstruisent, et alors que la France des oubliés a tenté de retrouver de la lisibilité, du respect et de la dignité, un peu de poésie dans ce monde de brutes pourra éclairer l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)

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