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Débat sur l’avenir du secteur hydro-électrique

Depuis la perte du statut d’établissement public d’EDF en 2004, la Commission européenne fait pression sur la France pour obtenir, dans le cadre du renouvellement des concessions, l’ouverture à la concurrence de nos installations hydroélectriques.

En octobre 2015, la Commission, qui avait engagé une première procédure en 2006, a adressé à la France une mise en demeure, mettant en cause les « mesures étatiques qui, en faisant obstacle à l’entrée et à l’expansion de concurrents, ont pour effet de maintenir ou de renforcer la position dominante d’EDF ».

Conformément aux orientations idéologiques libérales du chef de l’État, le Gouvernement a lui-même fait de la privatisation de la gestion des barrages hydroélectriques l’une de ses priorités et ouvert une négociation avec Bruxelles au sujet de l’ouverture complète à la concurrence des concessions qui arrivent progressivement à échéance. Ces négociations discrètes font craindre le pire.

L’hydroélectricité est appelée à jouer un rôle de plus en plus important, dans un contexte de développement des énergies renouvelables non modulables que sont l’éolien et le solaire, pour compenser les éventuels déficits de production liés à l’absence de vent ou de soleil.

En France, l’hydroélectricité représente environ 70 térawattheures par an, soit 12 % de la production d’électricité hexagonale et plus de 60 % de l’énergie renouvelable.

Les centrales hydroélectriques françaises forment un ensemble d’ouvrages diversifié, comprenant des barrages de basse, moyenne et haute chute, associés à des réservoirs. Elles représentent un instrument de modulation de la production électrique, apportant ainsi une contribution majeure à la stabilité de notre système électrique.

L’hydroélectricité est appelée à jouer un rôle de plus en plus important, dans un contexte de développement des énergies renouvelables non modulables que sont l’éolien et le solaire, pour compenser les éventuels déficits de production liés à l’absence de vent ou de soleil.

Nos installations sont aussi, bien évidemment, un instrument de gestion de ce bien commun qu’est la ressource en eau. Les 7 milliards de mètres cubes d’eau retenus par nos barrages sont un bien précieux pour l’agriculture, l’alimentation des populations en eau potable, l’industrie, le refroidissement de nos réacteurs nucléaires, le développement des activités de loisirs. Les ouvrages contribuent aussi à prévenir les risques, qu’il s’agisse de l’atténuation des crues ou, a contrario, du contrôle des étiages.

L’injonction de Bruxelles apparaît d’autant plus absurde que chez ceux de nos voisins qui ne disposent pas d’un régime concessif, la mise en concurrence n’a pas lieu d’être et n’a pas été mise en œuvre.

Les services rendus par nos installations hydroélectriques excluent de se situer dans une logique d’exploitation gouvernée par la recherche de l’optimum de la production d’électricité. Un large consensus se dessine, dans la population comme chez les élus locaux et nationaux, pour rejeter l’ouverture à la concurrence de ce secteur stratégique au plan économique, social et environnemental, qui s’adosse à un patrimoine financé de longue date par les Français et largement amorti.

Marie-Noëlle Battistel soulignait en avril 2018, dans les conclusions du groupe de travail relatif aux concessions hydroélectriques, que l’hydroélectricité « dépasse de très loin le seul cadre de la production d’énergie et recouvre de multiples enjeux. » Elle apportera sa contribution éclairée au débat.

L’injonction de Bruxelles apparaît d’autant plus absurde que chez ceux de nos voisins qui ne disposent pas d’un régime concessif, la mise en concurrence n’a pas lieu d’être et n’a pas été mise en œuvre.

Le formalisme et le dogmatisme de la Commission européenne apparaissent donc, une fois de plus, en parfait décalage avec l’intérêt général, les exigences de la rationalité économique et de la promotion des biens communs. Il appartient au Gouvernement de prendre ses responsabilités et de défendre à Bruxelles une alternative solide à la mise en concurrence. Les traités autorisent notre pays à organiser la fourniture de services en tant que services d’intérêt économique général, assortis ou non d’un droit exclusif ou spécial de gestion ou d’exploitation, sous réserve du respect des dispositions relatives à l’abus de position dominante.

Il appartient au Gouvernement de prendre ses responsabilités et de défendre à Bruxelles une alternative solide à la mise en concurrence.

Nous privilégions cette option, dont le sérieux a été établi par l’excellent travail d’expertise conduit par la CGT Mines Énergie. Rien n’interdit aujourd’hui de désigner la production hydroélectrique comme un service d’intérêt économique général. Si les services d’intérêt économique général ont été conçus au départ comme l’exception à une règle, celle de l’application du droit de la concurrence, les États membres conservent un rôle majeur pour déterminer les missions d’intérêt général et qualifier certaines activités de services d’intérêt économique général.

Le contrôle par la Commission européenne et le juge européen de la définition de la mission est limité, de fait, au contrôle restreint de l’erreur manifeste d’appréciation et à la présence de trois critères cumulatifs : le caractère économique de l’activité, son caractère d’intérêt général et une définition précise des missions de service public confiées par la loi ou le règlement aux entreprises qui en assurent la gestion.

La qualification de l’exploitation des ouvrages hydroélectriques en service d’intérêt économique général est une condition nécessaire, mais pas suffisante, pour protéger ces ouvrages et leur exploitation contre les logiques de mise en concurrence.

Il faut en outre doter les entreprises qui en assurent la gestion et l’exploitation d’un droit exclusif ou spécial et, pour cela, démontrer que le bon accomplissement des missions d’intérêt général liées à l’hydroélectricité impose de désigner un ou plusieurs opérateurs, seuls en mesure d’accomplir ces missions.

À cet égard, nous considérons que les opérateurs historiques que sont Électricité de France, la société anonyme d’intérêt général Compagnie nationale du Rhône et la Société hydroélectrique du Midi, sont les seuls à offrir des garanties suffisantes pour gérer les risques sécuritaires, soutenir l’économie et l’emploi et prendre en compte la diversité des usages de la ressource en eau. Ils sont aussi les seuls à pouvoir s’inscrire dans des logiques de long terme et conduire les investissements nécessaires pour accroître nos capacités en hydroélectricité. Nous disposons en effet d’un potentiel de 6 000 mégawatts supplémentaires selon les salariés, de 3 000 selon le Gouvernement.

Face aux risques que représenterait la mise en concurrence pour l’optimisation, l’emploi et les atouts du système hydroélectrique français, y compris en termes de tarifs pour les consommateurs, les autorités françaises doivent plaider en faveur d’une dérogation au principe de mise en concurrence.

Le démantèlement programmé de ce précieux ensemble de production construit au fil des décennies n’est pas acceptable, comme n’est pas acceptable que le souci de la rentabilité prime sur l’intérêt général et la grande diversité des usages et des enjeux qui entourent nos installations.

La simplicité pratique d’une solution fondée sur l’existant et son intérêt en termes de politique énergétique française justifient de la défendre devant la Commission européenne.

C’est, à l’évidence, une question de volonté politique, dont nous doutons aujourd’hui. En tout état de cause, le groupe GDR attend du Gouvernement qu’il clarifie sa position. L’ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques ne rencontre pas seulement l’opposition des salariés des entreprises, attachés au caractère public des aménagements, mais de tous ceux qui, dans notre pays, sont attachés au service public et ne veulent pas livrer cet élément de notre patrimoine commun et de notre souveraineté à des sociétés énergétiques entièrement privées ou à des sociétés d’économie mixte où les collectivités publiques seraient minoritaires.

Le démantèlement programmé de ce précieux ensemble de production construit au fil des décennies n’est pas acceptable, comme n’est pas acceptable que le souci de la rentabilité prime sur l’intérêt général et la grande diversité des usages et des enjeux qui entourent nos installations. Alors que le réchauffement climatique invite à améliorer la concertation autour de la gestion de l’eau et à porter une ambition nouvelle pour le développement des énergies renouvelables, il apparaît nécessaire que le Gouvernement modifie radicalement ses orientations.

Il apparaît également indispensable que syndicats et parlementaires soient informés du contenu de la lettre de mission adressée à Jean-Bernard Lévy au sujet de l’avenir du groupe EDF, qui concerne de fait une grande partie du parc de production hydraulique.

Salariés et parlementaires ne sauraient être les otages de décisions qui se trament dans leur dos. Nous exigeons du Gouvernement qu’il fasse désormais, en toute transparence, la clarté sur ses intentions.

C’est pourquoi nous proposerons aux différents groupes de notre assemblée, dans la séquence qui s’ouvre, de coconstruire une initiative parlementaire formalisée qui rassemble les volontés conjointes pour une solution durablement maîtrisée des exploitations hydroélectriques françaises. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LT et LR.)

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Hubert
Wulfranc

Député de Seine-Maritime (3ème circonscription)

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