Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Questions sur les comptes publics

Le 21 mars, le Gouvernement a pris un décret visant à annuler 10 milliards d’euros de crédits budgétaires. Présentées comme indolores, ces coupes auront au contraire des effets palpables sur les politiques publiques. La preuve en est que les ministres n’ont pas encore rendu leur copie concernant les déclinaisons effectives de ces annulations.
Parmi les principales, citons celle de 2,14 milliards de crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Ils concernent principalement le dispositif MaPrimeRénov’ : la suppression de ces dépenses d’intervention qui financent des travaux de rénovation aura un effet économique mécanique sur le secteur du bâtiment. De manière similaire, la mission Enseignement scolaire voit ses crédits pour les dépenses de personnel réduits de 478 millions. Là aussi, la contribution des fonctionnaires au PIB étant appréciée en fonction de leur coût, c’est-à-dire de leur rémunération, la baisse pèsera mécaniquement sur la croissance.
Au-delà de ces deux exemples, je souhaite vous interroger sur les effets économiques de ces coupes. Les avez-vous mesurés ? À combien de points les estimez-vous ? Enfin, vous n’avez jamais répondu à Nicolas Sansu : envisagez-vous, oui ou non, de désindexer les pensions de retraite ?

La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué

Pour revenir en détail sur les conséquences du décret d’annulation, prenons des exemples concrets. Vous prétendez qu’en annulant 10 milliards de crédits, nous avons sacrifié des politiques entières, notamment la mission Écologie, développement et mobilité durables et en particulier MaPrimeRénov’ ; or, depuis, le budget consacré à ce dispositif a augmenté de 800 millions, notamment du fait d’un accroissement des ressources de l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Cette politique continue donc de progresser, certes un peu moins vite, mais ce choix s’explique par le fait que l’an dernier, nous n’avions pas dépensé l’intégralité des fonds prévus pour MaPrimeRénov’.
De même, après le décret d’annulation, le budget 2024 reste le plus vert de notre histoire. (Mme Eva Sas s’exclame.) Il comprend 8 milliards supplémentaires de dépenses vertes : ce n’est peut-être pas assez, mais jamais un budget français n’avait autant favorisé la transition écologique, de la défense de la biodiversité à la rénovation énergétique ou aux transports propres.
En ce qui concerne les dépenses de personnel, l’annulation repose sur le constat d’une sous-exécution du budget consacré à la masse salariale durant les années précédentes ; autrement dit, le décret traduit simplement le fait que, dans une partie des ministères, les crédits alloués aux dépenses de personnel n’étaient pas intégralement utilisés.
Je le redis, notre projet est, à travers le budget pour 2024, de réarmer les services publics. Nous dépensons plus pour la sécurité, l’éducation ou la justice. Nous continuons à recruter. Par ailleurs, nous faisons des choix afin de tenir le budget. Voilà quelle est notre stratégie.

La parole est de nouveau à M. Jean-Marc Tellier.

Dans la logique des coups de rabot que vous donnez depuis quelques semaines, deux décrets concernant la formation professionnelle ont été signés mercredi dernier. Le premier de ces décrets acte la suppression de l’aide exceptionnelle accordée pour l’emploi de salariés en contrat de professionnalisation. De l’avis de nombreuses personnes que j’ai auditionnées en tant que corapporteur de la mission d’information sur les dépenses fiscales et budgétaires en matière de formation professionnelle, l’aide exceptionnelle pour l’embauche d’une personne en alternance, qui conduit bien souvent à annuler purement et simplement le coût de cette embauche, constitue un gouffre financier conduisant à des effets d’aubaine massifs. Si la remise en cause de l’aide exceptionnelle s’avère nécessaire, je regrette qu’elle ne s’applique pas à l’ensemble des contrats d’alternance, notamment aux contrats d’apprentissage, qui représentent l’écrasante majorité des 4,4 milliards d’euros d’aides distribuées. Pire, en décidant sa suppression pour les seuls contrats de professionnalisation, vous ciblez un dispositif utilisé majoritairement par les personnes les plus éloignées de l’emploi, alors que l’apprentissage profite relativement plus aux étudiants de niveau licence ou master.
L’aide exceptionnelle à l’apprentissage étant inutile et coûteuse, ma question sera simple : comptez-vous la supprimer également ? (Mme Eva Sas applaudit.)

La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thomas Cazenave, ministre délégué

S’il y a une politique que nous défendons avec acharnement depuis 2017, c’est bien celle de l’apprentissage. Le bilan est significatif : nous avons réussi à installer l’apprentissage et l’alternance au cœur des formations, à changer les mentalités, à convaincre les entreprises et les étudiants d’en faire une voie d’excellence – vous ne pouvez le contester. Nous y consacrons des sommes considérables : 4 milliards d’euros pour les primes d’apprentissage, 10 milliards pour les contrats. Cette politique publique est donc largement financée par les aides.
Il est vrai que quelques économies ont été annoncées. Arrêtons-nous un instant sur le contrat de professionnalisation : ce dispositif fait partie des mesures que nous avons instaurées au beau milieu de la crise pour soutenir l’activité économique, l’apprentissage et ses filières. Or, avec Bruno Le Maire et Catherine Vautrin, nous nous efforçons de sortir progressivement de ces dispositifs exceptionnels, dont la pérennisation serait intenable. Un dispositif de crise vise par définition à faire face à la crise ; une fois que celle-ci est derrière nous, on revient à un cadre normal. Par ailleurs, les dizaines de millions d’euros que vous évoquez ne sont pas comparables aux milliards que, je le répète, nous consacrons à cette politique dont les résultats font notre fierté.

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