QUESTION : Psychiatrie et pédopsychiatrie
À l’heure actuelle, 20 % des postes de psychiatres ne sont pas pourvus, soit plus de 1 000 postes. L’état de la psychiatrie en France est catastrophique. À la réflexion, le cœur du problème semble résider dans la politique menée ces dernières décennies : la psychiatrie a été considérée comme une spécialité comme les autres, ce qui, nous le savons, n’est pas le cas. Au contraire, nous devons en faire une priorité, notamment en combattant les préjugés.
La Défenseure des droits estime à six mois le délai d’attente moyen pour consulter un pédopsychiatre. D’après un rapport de 2023 du Conseil de l’enfance et de l’adolescence, intitulé « Quand les enfants vont mal : comment les aider », 597 pédopsychiatres étaient recensés au 1er janvier 2020 et leur âge moyen était de 65 ans. D’après la communication de la Cour des comptes à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, intitulée « La pédopsychiatrie. Un accès et une offre de soins à réorganiser », alors que 1,6 million d’enfants et d’adolescents souffrent d’un trouble psychique, seuls 0,9 % des professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) enseignent la pédopsychiatrie.
Au Havre, où l’existence d’une dizaine d’antennes de centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) permettait une réelle prise en charge des enfants dans leurs lieux de vie, depuis une dizaine d’années, ces antennes ont été regroupées au sein des services de CMPP rattachés au centre hospitalier. Il en reste trois. Désormais, outre les délais d’attente auxquels elles sont confrontées, les familles qui résident en périphérie doivent effectuer des déplacements longs et fastidieux pour que leurs enfants bénéficient d’un accompagnement, ce qui entraîne un grave problème d’éviction des enfants : certains d’entre eux, qui en auraient pourtant besoin, ne s’y rendent plus.
Où en est la stratégie dite d’ampleur promise par le Premier ministre ? Sera-t-elle vraiment déployée ? Grâce à quels moyens ? La création d’un secrétariat d’État à la santé mentale en fait-elle partie ?
Mme la présidente
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué
Oui, à la suite de vingt à trente ans de sous-investissement chronique, la psychiatrie est depuis des années le parent pauvre du système de santé. Soyons francs, la situation de la pédopsychiatrie est encore plus difficile. Les mesures prises depuis les assises de la santé mentale et de la psychiatrie de 2021, alors que la France était encore touchée par l’épidémie de covid, ont contribué à relancer l’investissement. Le Conseil national de la refondation (CNR) sur la santé mentale, qui se tiendra à partir du 12 juin prochain, amplifiera les mesures annoncées en 2021. Un secrétariat d’État dédié n’est pas nécessaire : le ministère de la santé est responsable du champ de la santé dans sa globalité. Si la nomination d’un secrétaire d’État permettait par miracle de résoudre les problèmes, une telle nomination serait certainement intervenue.
Déployer ces mesures et les budgets correspondants requiert un long travail. Je prendrai un seul exemple : les CMPEA, auxquels vous avez fait référence. De nouveaux moyens leur ont été alloués. La création de 400 ETP sur la période 2023-2025 améliorera la prise en charge proposée par ces structures essentielles, situées en ville et animées par des professionnels de ville, et qui nécessitent des budgets. Le rythme des recrutements constitue le principal écueil. Seuls 94 ETP sur les 400 prévus ont été pourvus en 2023. Même si les créations de postes sont échelonnées sur trois ans, nous devons accélérer les recrutements.
Nous devons peut-être aussi faire bouger certains curseurs. Ainsi, nous encourageons l’implantation de nouveaux métiers, en particulier les infirmiers en pratique avancée (IPA), y compris dans le domaine de la santé mentale et de la psychiatrie, ainsi que la reconnaissance des psychologues, de manière à élargir l’éventail de la prise en charge.