QUESTION
Il est tard, mais permettez-moi de mentionner une question omise lors du débat : la semaine dernière, les sénateurs ont adopté un amendement au PLFSS qui prévoyait l’augmentation de sept heures de la durée annuelle du travail, sans compensation salariale. La journée dite de solidarité serait renommée contribution de solidarité par le travail, et on passerait donc d’une à deux journées.
Soyons sérieux : cette proposition repose sur l’indécent postulat, selon lequel les salariés français, ceux-là mêmes qui font tourner le pays, ne travaillent pas assez. Désormais, ils travailleraient donc gratuitement, non plus une, mais deux journées par an.
Renommer la journée de solidarité pour parler de « contribution de solidarité par le travail » n’est pas anodin. Les termes « journée de solidarité » signifiaient que nous avions affaire à une exception clairement délimitée, alors que « contribution de solidarité par le travail » laisse entendre, comme tout type de contribution, qu’elle peut être convoquée à tout moment, donc étendue et généralisée. En outre, elle entérine une grave confusion : la contribution de solidarité par le travail existe déjà, c’est la cotis’ – le salaire versé en contrepartie du travail fourni est socialisé, c’est-à-dire qu’il participe, de manière différée, à la solidarité de la sécurité sociale.
Ainsi, c’est le sens même du travail et du salaire socialisé qui lui est attaché qui serait détruit.
S’il y a consensus au sujet de la nécessité de dégager des ressources supplémentaires, d’autres solutions existent : refonte des exonérations de cotisations sociales, révision de la dette covid – la dette publique due à la pandémie –, mise à contribution des très hauts revenus, des retraites chapeaux, et j’en passe. L’heure n’est plus aux recettes par à-coups : touchant la prise en charge de la dépendance, il devient urgent qu’une politique publique, concrétisée par une loi de programmation pluriannuelle, permette l’allocation à la sécurité sociale de moyens justes et pérennes.
Le 20 novembre, au Sénat, Laurent Saint-Martin a émis au nom du gouvernement un avis défavorable portant sur la forme, mais non sur le fond, à l’amendement no 125, visant à instaurer la contribution de solidarité par le travail. La dépendance appelle davantage qu’un jugement budgétaire : une vision à long terme de la société. C’est pourquoi je souhaiterais votre avis au sujet de cette contribution et de ce qui la sous-tend.
La parole est à M. le ministre.
M. Paul Christophe, ministre
Il ne vous aura pas échappé, puisque vous y avez fait référence, que ces sept heures de plus consacrées à la solidarité sont issues d’une initiative parlementaire, en l’occurrence un amendement sénatorial. Une telle disposition ne figurait en aucun cas dans le texte du PLFSS pour 2025 initialement déposé par le gouvernement.
Le premier ministre a été assez clair à ce sujet en rappelant qu’il tenait au dialogue social et que, si cette question devait être abordée, cela passerait d’abord par le dialogue avec les partenaires sociaux. Je ne sais pas si cela vous rassure mais, en tout cas, l’examen du PLFSS par le Parlement se poursuit et une commission mixte paritaire se réunira demain. Faute de pouvoir présumer de sa décision, je répète que cette mesure, qui figure désormais dans le texte adopté par le Sénat, ne se trouvait pas dans le texte déposé par le gouvernement, et que le premier ministre n’y est pas favorable.