Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Question sur les politiques de l’emploi

Oui, les créations d’emploi ont augmenté en 2019, passant de 188 000 en 2018 à 260 000. Cependant, dans ce système de la loi de l’offre, le contrat à durée déterminée reste très largement privilégié, comme cela a été rappelé, et la précarité s’amplifie. Oui, le chômage a reculé sensiblement, mais il reste au-dessus de la moyenne européenne. La création d’entreprises gonfle ces chiffres, mais deux tiers d’entre elles disparaissent dans les trois ans suivant leur création.

Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE–, qui prend désormais la forme de baisses de cotisations sociales, aura quant à lui coûté 142 milliards d’euros au cours de l’ensemble du quinquennat, pour un rendement faible en matière d’emploi, et sans contrepartie.

Dans le même temps, les grandes entreprises mettent la pression.

Auchan a convoqué les syndicats en début de semaine pour évoquer la possible suppression de 1 000 postes. En pleine réforme des retraites, la question de l’emploi se pose plus que jamais. Et pour cause : on demande aux Français de travailler toujours plus longtemps, de tenir quelques années de plus pour espérer toucher une retraite pleine. Mais quel type de politique existe-t-il pour les seniors ? Le marché de l’emploi actuel est-il vraiment adapté aux anciens ?

Selon les chiffres de l’INSEE, le taux d’emploi des 50-64 ans s’est amélioré. Cependant, il n’est que de 30 % pour la tranche des 60-64 ans, bien en deçà de la moyenne européenne. Préjugés, pénibilité, discrimination à l’embauche, rémunération sont autant de problèmes ou de prétextes rencontrés par les seniors en recherche d’emploi, alors qu’ils sont nombreux à détenir un véritable savoir-faire. On demande aux Français de travailler plus longtemps mais les conditions actuelles d’accès à l’emploi ne sont pas adaptées aux travailleurs les plus âgés, catégorie pourtant très touchée par la précarité. Leur demander un effort supplémentaire paraît totalement déconnecté de la réalité. Alors, quelle politique de l’emploi pour tous ces oubliés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Muriel Pénicaud, ministre. Vous posez des questions importantes. M. Corbière s’étonnait que je n’ai pas été plus précise au sujet de l’emploi des seniors. C’est parce que je crois beaucoup au dialogue social et économique. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

Nous avons commencé nos travaux hier et avons des pistes. Pour ma part, je ne les annoncerai pas avant que nous ne les ayons co-construites ; je ne vais pas les sortir de mon chapeau !

Certaines pistes auront été proposées par les partenaires sociaux, d’autres par le Gouvernement, d’autres enfin seront le fruit de notre travail commun. C’est ainsi que se déroule le dialogue social et économique. C’est la raison pour laquelle je peux aujourd’hui évoquer des grands thèmes mais pas encore de pistes opérationnelles. Nous recevrons un rapport sur le sujet mardi prochain. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

Nous travaillons avec les partenaires sociaux et je suis convaincue que les solutions seront plus intéressantes si elles sont construites conjointement plutôt qu’unilatérales, d’où qu’elles viennent.

Vous avez raison de souligner, comme je l’avais fait précédemment, que le taux d’activité des personnes de 60 à 64 ans ne dépasse pas 30 %. Vous avez encore raison d’indiquer que, pour satisfaire les personnes de 60 à 64 ans, qui sont nombreuses à souhaiter travailler sans pouvoir le faire, ou qui rencontrent des difficultés pour conserver leur emploi, il faut aussi faire évoluer le travail – ce qui rejoint la question de la pénibilité. Aujourd’hui, parmi les 650 000 personnes partant à la retraite chaque année, 100 000 se trouvent en situation d’invalidité ou d’incapacité partielle ; c’est un chiffre élevé. Dans le cas de l’incapacité, liée au travail, cela démontre que la prévention doit être fortement renforcée. Dans le volet de notre discussion avec les partenaires sociaux consacré à la pénibilité, nous nous sommes entendus hier pour reconnaître l’absolue priorité devant être accordée à la prévention. C’est le sujet sur lequel nous sommes les plus mauvais en France aujourd’hui. Cela ne signifie pas qu’il n’y a rien à faire par ailleurs sur les reconversions et la réparation, mais la prévention constituera un élément essentiel du projet.

Changer le travail, c’est aussi changer l’approche du recrutement. Alors qu’une entreprise sur deux rencontre des difficultés pour recruter, notamment les plus petites, un certain nombre d’entre elles commencent à envisager de changer leur regard sur les seniors, comme nous le constatons dans les clubs d’entreprises inclusives. Certains éléments seront inscrits dans le projet de loi, d’autres feront l’objet d’engagements des partenaires. Il me semble qu’en liant pénibilité, emploi des seniors et réforme des retraites, nous avons les moyens de profiter de cette réforme pour accomplir un progrès significatif en matière de politiques de l’emploi.

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