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Evaluation et contrôle du Gouvernement

Question sur le thème "PAC 2021-2027 enjeux du Plan Stratégique National

QUESTION

La PAC laisse déjà une part de compétence aux États membres avec le second pilier, qui définit la politique de développement rural cofinancée par les États. Une PAC à la carte s’esquisse ainsi, les États membres ayant toute latitude pour sélectionner les actions à soutenir.

La réforme de 2013 a accru cette subsidiarité en élargissant la flexibilité au premier pilier : aides couplées à hauteur de 15 %, soutien bonifié aux zones soumises à des contraintes naturelles, paiement redistributif pour apporter une bonification aux exploitations de taille modeste ou encore conditions de mise en œuvre du verdissement.

Enfin, certaines mesures font l’objet d’un encadrement entièrement national : l’indemnité compensatoire de handicap naturel, les aides à l’installation ou encore les mesures agroenvironnementales et climatiques.

Ainsi la PAC crée-t-elle déjà un équilibre entre la définition d’une politique commune et l’adaptation aux spécificités de chaque État membre.

Ne pensez-vous pas que les plans stratégiques remettront en cause cet équilibre et conduiront à un démantèlement progressif de la PAC ? Le risque est grand d’une distorsion de concurrence entre les États membres, en faisant reculer leur ralliement normatif et leurs exigences environnementales. En outre, les plans stratégiques de chaque État membre pourront cibler certaines filières pour les rendre plus compétitives au détriment des autres États membres.

La machine n’est-elle pas en route pour que la PAC prenne la forme d’une politique de cohésion agricole et rurale comptant vingt-sept stratégies agricoles différentes, voire divergentes ? Une fois de plus, l’Union européenne ira à rebours des autres puissances agricoles de taille continentale, comme la Chine et le Brésil, qui continuent d’investir massivement dans des politiques agricoles harmonisées et qui dépensent deux fois plus pour leur soutien à l’agriculture que l’Europe.

Monsieur le ministre, vous disposez de deux minutes pour me dire si vos choix tiendront compte de cette problématique. (Sourires)

M. le président.

La parole est à M. le ministre.

M. Julien Denormandie, ministre.

Ce dont je suis absolument sûr, tout d’abord, c’est que je ne souhaite pas, pour notre pays, le modèle américain ou chinois que vous avez mentionné. L’harmonisation qui le caractérise est profondément contraire à ce qui fait la richesse de notre agriculture, à savoir la qualité. Celle-ci trouve ses racines dans la pluralité de nos territoires. La qualité des élevages dans votre beau département n’est pas sans lien avec les caractéristiques intrinsèques de celui-ci. D’autres départements ont d’autres caractéristiques que l’on retrouvera dans les types de culture qui y sont développés.

Le modèle très différent que l’on observe aux États-Unis ou dans des pays asiatiques se distingue certes par une harmonisation totale, mais l’élevage de truies s’y pratique dans des immeubles de treize étages. Ce n’est assurément pas ce que je souhaite pour notre pays.

Deuxièmement, vous demandez si la convergence entre les États membres est ou non en marche. Elle est selon moi impérieuse.

Vous avez décrit la situation actuelle. Je donnerai quelques exemples : les paiements redistributifs peuvent être très différents d’un État à l’autre ; dans certains États, le premier pilier est très fort, dans d’autres, c’est le second ; des États mettent en place l’indemnité compensatoire de handicap naturel, d’autres non ; dans certains États, cette aide concerne à la fois la protection végétale et animale tandis que la France, prenant notamment en considération les territoires de montagne, a fait le choix de ne l’appliquer qu’au monde animal.

Bref, il est nécessaire que nos politiques s’adaptent aux réalités des territoires. Le maintien de la pluralité des territoires français est heureusement rendu possible par une certaine forme de flexibilité au niveau européen.

À l’inverse, la bataille visant à obtenir plus de convergence et à lutter contre la concurrence déloyale est impérieuse. Je le répète, je me suis beaucoup battu – et la France s’est beaucoup battue – pour que le socle que représentent les éco-régimes ne souffre aucune dérogation. Nous avons obtenu cette avancée au niveau du Conseil des ministres. Nous nous battons actuellement pour qu’elle soit confirmée au niveau du trilogue. Les parlementaires de tous bords nous soutiennent d’ailleurs, ce dont je me réjouis.

Oui, il nous faut progresser afin de réduire la concurrence déloyale au sein du marché commun. Le dispositif des éco-régimes doit également être défendu dans le cadre des accords commerciaux, pour devenir la règle de base en matière de négociations commerciales au niveau international. Toutefois, cela ne doit pas se faire sans tenir compte de la diversité de nos territoires. Je crois profondément à l’importance de ces objectifs et je me battrai avec détermination pour les atteindre.

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