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Evaluation et contrôle du Gouvernement

Question sur le financement des retraites

Ce débat sur le financement des retraites fait inévitablement écho à la réforme que vous souhaitez nous imposer. Au vu des conditions particulièrement dégradées du débat qui s’annonce, avec notamment la procédure accélérée et une étude d’impact inachevée, cette discussion ne sera pas inutile pour mettre en évidence les lacunes de votre projet.

La stratégie habituelle, pour faire supporter des sacrifices aux Français, consiste à laisser penser que ces sacrifices sont inévitables. Ainsi, lorsqu’il est question de réformer le système de retraite, l’argument financier est le premier utilisé pour justifier l’impérieuse nécessité de réformer.

Alain Juppé déclarait ainsi en 1995 : « Si nous ne faisons rien aujourd’hui, la sécurité sociale sera en cessation de paiement demain ».

En 2003, vos prédécesseurs affirmaient que leur réforme avait pour seul objectif de « sauvegarder » les retraites des Français. Votre stratégie ne fait pas exception à la règle : martial, Jean-Paul Delevoye affirmait que « le statu quo n’est pas tenable ». Les larmes aux yeux, Gérald Darmanin déclarait qu’il fallait « sauver nos retraites et celles de nos enfants ».

Analysons donc la situation financière actuelle du système de retraite à la lumière du rapport du COR. Celui-ci indique qu’il n’existe pas de doute sur la soutenabilité financière actuelle de notre système. Cette simple affirmation suffit à montrer votre dogmatisme puisque vous êtes désavoués par l’organisme le plus légitime pour analyser le système de retraite. C’est peut-être la raison pour laquelle, d’ailleurs, vous souhaitez mettre cet organisme au placard au profit d’un comité d’experts majoritairement contrôlés par la Cour des comptes.

En creusant davantage le rapport du COR, on constate qu’il met certes en évidence un déficit mais que celui-ci est transitoire, pour les quinze prochaines années. D’où ce déficit vient-il ? Non pas des dépenses, qui restent stables autour de 14 %. C’est dans les prévisions de recettes qu’il faut chercher les réponses. Sur ce point, le rapport du COR met en évidence votre responsabilité.

D’abord, les différentes exonérations de cotisations sociales pèsent considérablement sur le régime de retraite, à hauteur de 66 milliards d’euros en 2019, soit 13 % du budget global de la sécurité sociale ! Le régime général des retraites est ainsi directement touché, puisque son financement provient des cotisations sociales. C’est vous qui créez le déficit en refusant d’en compenser ne serait-ce qu’une partie !

En 2019, le solde du régime général de retraite aurait dû être en excédent de 700 millions d’euros. Mais les différentes mesures d’exonérations sans compensation ont créé un déficit de 2,1 milliards.

En 2020, les non-compensations s’élèveront à 2,7 milliards d’euros. Oui, 2,7 milliards d’euros, madame la ministre !

Quant à votre politique hostile à l’emploi public, elle a profondément réduit la part de la masse salariale du secteur public. Fin 2020, près de 15 000 postes auront été supprimés depuis le début du mandat. Sur les cinq ans, ce sont 85 000 suppressions de postes qui sont prévues, alors que les besoins existent dans nos services publics. À ces éléments s’ajoute le gel du point d’indice, qui se poursuit depuis 2010.

Le président du COR en a fait la démonstration la semaine dernière lors d’une réunion de la commission spéciale : les taux de cotisation dans la fonction publique étant proches de 75 % alors qu’ils ne sont que de 28 % dans le privé, la baisse du nombre de fonctionnaires couplée au gel du point d’indice pèse lourdement sur les recettes du système de retraite.

Ce sont bien vos politiques de baisse de l’emploi public et de non-compensation qui ont réduit les ressources du système de retraite. Et c’est après avoir vous-même creusé un trou dans le système de retraite que vous souhaitez nous convaincre de la nécessité de réformer pour le combler. Beau tour de passe-passe ! En Garcimore de la politique (Rires), derrière un argument comptable inexistant, vous camouflez, madame la ministre, l’argument idéologique qui consiste à construire un système de retraite dans la droite ligne de la société que vous souhaitez, c’est-à-dire avec une individualisation des droits conjuguée à un système de protection sociale qui n’assure qu’un filet de sécurité minimum.

Je ne doute pas que ce débat vous permettra de répondre en toute sincérité à des questions légitimes. Comment justifier la non-compensation des exonérations de cotisations sociales ? Et compte tenu de l’importance que vous accordez à la stabilité financière du système de retraite, comment la baisse du niveau de cotisation dans l’emploi public sera-t-elle compensée ? Elle passerait en effet d’environ 75 % à 28,5 %, ce qui coûterait environ 45 milliards d’euros !

Il est temps, plus largement, de vous expliquer, face au Français, sur les raisons qui motivent votre casse de notre système de retraite. Espérons que ce débat nous apportera les éclairages nécessaires sur votre supercherie – des éclairages sans magie. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

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