Ma question porte sur le besoin de financement de l’hôpital public. La crise sanitaire a agi comme un révélateur et, après plusieurs budgets de la sécurité sociale placés sous le signe de l’austérité budgétaire pour nos hôpitaux, le Gouvernement a été rattrapé par la réalité : le sous-financement du service public hospitalier, dénoncé depuis de nombreuses années par les organisations syndicales et les collectifs de soignants, n’était plus tenable. Si des moyens financiers ont été dégagés dans le cadre du Ségur de la santé en faveur des soignants et des structures hospitalières, il est désormais nécessaire de poursuivre l’effort accompli – que nous reconnaissons – pour assurer un financement renforcé et pérenne de notre système de santé, rompant avec le modèle actuel.
Notre première proposition consiste à en finir avec les enveloppes fermées, définies annuellement dans le cadre de l’ONDAM et qui ont montré leurs limites. Finançons plutôt le système de santé par une allocation de moyens en fonction d’objectifs sanitaires arbitrés en concertation avec les usagers, les syndicats et les soignants.
Deuxième proposition : supprimons définitivement la tarification à l’acte, qui entraîne les hôpitaux dans une course à l’activité pour couvrir leurs coûts de fonctionnement et remplaçons-la par des dotations populationnelles, qui tiennent compte des besoins de santé de la population dans chaque territoire.
Ces mesures pourraient être financées par l’affectation de nouvelles ressources, en limitant par exemple les dispositifs d’exonération de cotisations fiscales – je pense notamment au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) qui grève de 22 milliards d’euros le budget de la branche maladie, sans effets significatifs sur l’emploi.
Ma question sera donc simple : quelle est la position du Gouvernement sur ces propositions ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre.
Nous serions avant la signature des accords du Ségur de la santé, je vous répondrais qu’il faudrait en effet dégager des marges de manœuvre financières supplémentaires. Mais, je le redis – la répétition est nécessaire dans ce type de débats –,19 milliards d’euros d’investissement et de reprise de la dette hospitalière, c’est inédit et équivaut aux deux plans hôpitaux votés au cours des quinze dernières années par la gauche et par la droite, majorés de 50 % – et cela en une seule fois !
M. Jean-Paul Lecoq.
Je n’ai voté aucun des deux plans que vous citez !
M. Olivier Véran, ministre.
C’est dommage, monsieur le député. J’ai cru comprendre que la gauche avait parfois du mal à s’unir : je l’ai subi et je le constate encore aujourd’hui.
Pour en revenir au sujet qui nous intéresse, ce plan d’investissement est massif. Je sillonne d’ailleurs la France depuis quelques semaines pour annoncer que tel ou tel hôpital sera modernisé ou reconstruit : il s’agit d’un moment important dans la vie des hôpitaux. Deux à trois projets hospitaliers sont ainsi lancés chaque semaine, dont des projets d’envergure comme à Lyon, à Nantes ou encore à Nancy. Le cas de Nancy est emblématique : les moyens alloués au regroupement des sites hospitaliers risquaient de laisser la nouvelle structure dans une situation de tension financière ; de plus, la fermeture de lits ainsi que la réduction des effectifs étaient prévues. Eh bien, nous avons décidé d’accorder plus de moyens à cet hôpital et non seulement d’annuler les fermetures de lits et la suppression de postes mais aussi d’ouvrir des lits de soins de suite et de réadaptation (SSR). Vous imaginez que lorsqu’on se rend sur place pour faire de telles annonces, elles sont bien accueillies.
Autre exemple, celui de l’hôpital de Brignoles dont les urgences, rénovées lorsque Marisol Touraine était ministre de la santé, sont flambant neuves ; sauf que le bâtiment qui se trouve derrière est totalement vétuste et que les équipes surmotivées qui y exercent se plaignent de devoir travailler au sein d’une telle structure : elles ont raison et nous disposons désormais de l’argent nécessaire pour les aider et rénover leur outil de travail.
L’enveloppe destinée aux investissements du quotidien et laissée à la main des équipes soignantes pour leur permettre d’acheter du matériel ou d’assurer un meilleur confort aux soignants comme aux patients, est passée de 150 millions d’euros par an à 650 millions – rendez-vous compte ! Cela change profondément la donne : la question n’est plus celle des moyens – qui sont assurés par un ONDAM très élevé –, mais de savoir comment accélérer de l’intérieur la transformation de l’hôpital, en matière de gouvernance notamment.