Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Les politiques publiques de protection de l’enfance

L’actualité du secteur de la protection de l’enfance est riche, riche de constats alarmants et d’un rapport parlementaire de plus de 500 pages qui dénonce une réalité terrible : la France ne respecte pas la promesse qu’elle a faite aux 400 000 enfants placés sous sa protection. D’après le collectif Les 400 000, plus de 3 000 enfants en danger immédiat dans leur famille devaient être placés sur décision judiciaire, mais patientaient sur liste d’attente, faute de place disponible.
Les besoins sont tels et les institutions si dépassées que la loi est régulièrement bafouée. Les fratries sont souvent séparées, malgré les textes. Il n’est pas rare que des enfants, en particulier des mineurs non accompagnés, soient orientés vers l’hôtel dès l’âge de 14 ans, bien que cela soit clairement interdit par la loi. Les mesures d’action éducative en milieu ouvert, quant à elles, mettent parfois plus d’un an à être appliquées après une décision du juge des enfants. Ce délai contribue à l’aggravation des situations familiales et peut conduire, in fine, à des placements qui auraient pu être évités.
Voilà la réalité du terrain. Ce sont les professionnels, les associations, les magistrats, les travailleurs sociaux, les bénévoles qui nous la rappellent régulièrement. Ce sont les jeunes eux-mêmes qui la racontent par leurs témoignages bouleversants.
Les chiffres confirment ce que nous savons. Un sans-abri sur quatre de moins de 25 ans a connu l’aide sociale à l’enfance. Les jeunes passés par l’ASE perdent jusqu’à vingt ans d’espérance de vie. Pas moins de 40 % d’entre eux sont orientés vers des CAP subis, contre 11 % pour l’ensemble des jeunes. La moitié connaît la précarité résidentielle en quittant le dispositif.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Cela s’explique d’abord par l’abandon de l’État, dont la contribution représente désormais à peine 3 % des 10 milliards d’euros que les départements consacrent chaque année à la protection de l’enfance. Ce désengagement organise des inégalités territoriales insupportables. Dans les outre-mer, cette situation est encore plus dramatique.
Ensuite, nous le savons, la logique du marché s’est dangereusement immiscée dans le champ de la protection de l’enfance. Des structures privées, parfois à but lucratif, facturent des milliers d’euros pour une prise en charge au rabais, détruisant la relation éducative et la continuité affective indispensables aux enfants. Ce qui est ici en cause, ce n’est pas un dysfonctionnement de nos politiques publiques, c’est le fonctionnement même du capital lorsqu’il est appliqué à la protection de l’enfance. Il aboutit –⁠ il aboutira toujours et inévitablement – à l’échec.
Enfin, l’absence d’ambition nationale aggrave encore la situation : pas de ministère de plein exercice, pas de stratégie structurée, pas d’objectifs clairs assortis de moyens, des plans sans évaluation et sans suivi... La création récente d’un haut-commissariat, organe purement consultatif, n’est pas à la hauteur de l’urgence.
Nous devons refonder ce système. Mon parti, le Parti communiste français, a organisé samedi ses premières assises de la protection de l’enfance. À la suite de ces travaux, il nous paraît essentiel de mettre en avant des solutions qui permettront, à l’avenir, de changer le cap des politiques publiques en la matière.
Nous recommandons d’abord la création d’un grand service public national de la protection de l’enfance, garant de la qualité de la prise en charge, de l’équité territoriale et de la continuité éducative ; la départementalisation a créé d’immenses disparités qu’il faut contrer par une stratégie nationale digne de ce nom.
Ensuite, nous redisons qu’il faut interdire la marchandisation de la prise en charge et réserver les financements publics au secteur public ainsi qu’au secteur associatif non lucratif.
Enfin, nous estimons qu’il est important de renforcer la prévention grâce à un accompagnement accessible à toutes les familles, de garantir un véritable accompagnement vers l’âge adulte et de construire un solide parcours de transition pour que plus aucun jeune ne soit abandonné au seuil de la majorité.
Protéger un enfant, ce n’est pas le sortir du danger pour le livrer à l’abandon, c’est lui garantir un avenir, l’accompagner vers l’autonomie. C’est défendre son droit à l’éducation, à la santé, à l’insertion sociale. La protection de l’enfance ne doit pas être un marché. Elle n’est pas une variable d’ajustement budgétaire. Elle est notre avenir commun ; elle est la mesure de ce que vaut réellement la promesse de la République à tous ses enfants.

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