À l’été 2007, la crise des subprimes débutait par la chute des cours immobiliers. Durant plus d’un an, les problèmes de solvabilité des banques s’accentuent et aboutissent à la chute de la banque américaine Lehman Brothers à l’automne 2008. La crise économique éclate, avec ses conséquences sociales dramatiques.
D’un point de vue purement financier, la crise a mis en péril les établissements bancaires français. Devant l’impossibilité de les laisser tomber, l’État français doit les recapitaliser. Il en coûtera près de 30 milliards aux contribuables, 30 milliards accordés sans aucune contrepartie. La France est loin d’être un cas isolé. Globalement, les recapitalisations bancaires s’élèveront à plus de 300 milliards d’euros.
Il faut avoir à l’esprit ce contexte particulièrement dramatique et éviter la tentation de l’oubli, car c’est à l’issue de ces événements que démarrent les négociations de l’accord Bâle III.
La crise a largement mis en évidence les défaillances des précédents accords, dits Bâle II, en matière de régulation bancaire. Les banques, toujours soucieuses d’accroître leurs rendements, n’avaient pas hésité à multiplier les investissements risqués, les prêts toxiques, créant des problèmes de trésorerie importants. Pour camoufler tout ça, les banques utilisaient toujours leurs modèles de pondération, permettant de réduire artificiellement leur stock d’actifs. La crise a de nouveau mis en évidence que les banques ne disposaient pas des fonds propres nécessaires pour pouvoir encaisser des chocs systémiques d’envergure, et que les accords de Bâle II n’allaient pas assez loin.
Les accords de Bâle III, bien qu’insuffisants – j’y reviendrai – constituent donc une avancée. En renforçant les ratios de fonds propres des banques, ils permettent de rendre les établissements bancaires plus robustes, et ce dans une situation économique particulièrement propice aux dérèglements financiers : des niveaux de dettes très élevés, en particulier de dette privée, de l’argent facile, massivement injecté par les banques centrales, et des taux d’intérêt bas qui pourraient pousser les banques vers des actifs toujours plus risqués.
Dans ces conditions, refuser de transposer en l’état les accords de Bâle III constitue une erreur et il semble qu’il n’y ait que le lobby bancaire qui ne l’ait pas compris. Il a néanmoins réussi à convaincre certains de nos collègues qui auraient sûrement dû intituler cette proposition de résolution « préserver la compétitivité du secteur bancaire » plutôt que « protéger la compétitivité du financement de l’économie ». Il faut dire que l’exposé des motifs reprend en grande partie les arguments de la Fédération bancaire de l’Union européenne.
Comment s’étonner du fait que les accords de Bâle III seront plus contraignants pour les banques européennes que pour les banques américaines, alors que la législation américaine a toujours été plus dure et qu’il s’agit uniquement d’un rééquilibrage ?
Au vu de l’agenda qui prévoit la mise en place totale de Bâle III en 2027, l’augmentation des fonds propres des banques pourra être effectuée avec une mise en réserve des résultats plus importante chaque année.
Il semble enfin que les chiffres contenus dans les études d’impact qui sont mentionnées dans l’exposé des motifs soient surestimés, comme le gouverneur de la Banque de France le précisait encore récemment.
S’il y a un impact qui semble sous-estimé dans cette résolution, et même absent, c’est bien celui d’une nouvelle crise bancaire. Car, je le précisais au début de mon propos, ces maigres coûts pour les banques n’ont rien de comparable avec les conséquences économiques et sociales dramatiques qu’aurait une nouvelle crise financière.
Nous ne voterons donc pas cette résolution, qui vise essentiellement à protéger un peu plus le secteur bancaire. Nous pensons au contraire que ces accords ne vont pas encore assez loin.
Les accords de Bâle III ne remettent toujours pas en cause l’utilisation des modèles internes de pondération des risques. Ils omettent également la mise en place d’une politique macroprudentielle de surveillance des marchés financiers.
Enfin, ces accords ne remettent pas en cause le modèle actuel des banques. Alors que les signataires de cette résolution exprimaient leurs craintes concernant le financement de l’économie, il faut rappeler que le financement de l’économie réelle constitue aujourd’hui pour les banques une activité minoritaire. Il est essentiel de remettre le secteur bancaire au service du bien commun et de découper méthodiquement ces établissements, devenus de véritables mastodontes qui savent que, en cas de faillite, l’État les sauvera de toute façon. Remettre la finance en ordre, voilà notre projet ; les intérêts du secteur bancaire passeront bien après. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)