Question à la ministre de l’Agriculture
Je souhaite revenir sur le coup de poignard porté au monde agricole par la présidente de la Commission européenne, qui a signé, le 6 décembre dernier, l’accord entre l’UE et le Mercosur. Non seulement le contenu de cet accord est dramatique et totalement contradictoire avec la volonté affichée de renforcer la durabilité de l’agriculture européenne et notre souveraineté alimentaire, mais le coup de force d’Ursula von der Leyen témoigne du fossé grandissant entre les différents intérêts des pays membres autant que du délitement de la coopération européenne en matière agricole.
Certes, cette signature ne vaut pas ratification, mais, en coulisse, le plan semble si bien rodé que le travail de vérification juridique et de traduction a débuté avant que le projet d’accord ne soit soumis au vote du Conseil – un vote à la majorité qualifiée –, puis à celui du Parlement européen – un vote à la majorité simple.
Le 26 novembre dernier, notre assemblée s’est largement prononcée pour le rejet de cet accord. Comme une large part des agriculteurs européens, toute la profession agricole française s’y oppose. Lors de ce débat, vous avez confirmé que la France était non seulement prête à faire usage de son droit de veto au Conseil européen, mais également qu’elle refuserait tout découpage de l’accord en deux parties, l’une politique et l’autre commerciale, pour éviter une adoption sans vote des parlements nationaux.
Où en sommes-nous dans la construction du rapport de force européen avec les États prêts à constituer une minorité de blocage au Conseil ? Comment entendez-vous agir, avec le gouvernement, pour empêcher la présidente de la Commission de mépriser les agriculteurs européens et français en poursuivant, comme si de rien n’était, la mise en application de cet accord ?
M. le président
La parole est à Mme la ministre.
Mme Annie Genevard, ministre
Vous évoquez l’accord entre l’UE et le Mercosur et les modalités de son éventuelle adoption. La signature de cet accord par Ursula von der Leyen à Montevideo ne marque pas la fin du processus d’adoption de ce texte, mais le début d’un parcours qui l’amènera devant le Conseil, puis devant le Parlement européen.
En définitive, deux cas de figure pourraient se présenter. Si l’accord n’était pas scindé, il ne pourrait être adopté qu’à l’unanimité. Autant dire d’emblée que cette condition ne sera pas satisfaite, car l’Autriche, la Belgique, l’Italie – du moins je l’espère –, la Pologne et d’autres pays se sont prononcés contre l’accord ou ont indiqué qu’ils s’abstiendraient. Je ne suis pas devin et je ne connais pas la stratégie d’Ursula von der Leyen,…
M. Jean-Paul Lecoq
Il sera scindé, comme le Ceta !
Mme Annie Genevard, ministre
…mais je suppose que l’accord peut être scindé en un accord commercial et un accord-cadre. Dans cette hypothèse, il s’agirait soit de constater une minorité de blocage, déterminée selon des règles précises – un tiers des pays membres, un tiers de la population communautaire –, soit d’empêcher l’adoption de l’accord à la majorité – l’abstention trouverait alors tout son intérêt.
Je ne me bats pas pour des compensations, mais bien pour que cet accord ne soit pas conclu. Certaines dispositions, relatives à des productions industrielles ou même agricoles, sont intéressantes, et vous observerez que les filières concernées restent, par solidarité, très discrètes. En revanche, d’autres dispositions sont mauvaises, notamment celles relatives aux filières sucre, volaille et éthanol. C’est pourquoi nous devons continuer d’affirmer notre opposition ferme à l’accord.