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Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur le thème "Palestine-Liban, le rôle de la France dans l’effondrement du droit international

Question au ministre des Affaires étrangères

À Gaza, depuis plus d’un an, l’humanité est ensevelie sous un tapis de bombes. Ceux qui survivent risquent de mourir de faim, de soif ou faute de soins. Tous affrontent une guerre génocidaire menée par Israël.

Force est de constater, malheureusement, que la position de la France relève d’un deux poids, deux mesures, d’un double standard. En effet, vous refusez que notre pays endosse le rôle qu’il devrait jouer face aux crimes commis par le gouvernement israélien en Palestine et au Liban : être le fer de lance du droit international et de la justice internationale.

Cette incohérence se manifeste par votre refus – et celui de vos prédécesseurs – de condamner clairement les crimes israéliens et de prendre les sanctions qui s’imposent. Comme vos prédécesseurs, vous avez par exemple rejeté la qualification de génocide défendue par plusieurs États, dont l’Afrique du Sud, l’Espagne et l’Irlande devant la Cour internationale de justice, par des experts indépendants des Nations unies et par la plupart des organisations de défense des droits de l’homme.

De même, en novembre 2024, vous avez invoqué une prétendue immunité fonctionnelle de Benyamin Netanyahou pour justifier le refus d’exécuter le mandat d’arrêt délivré contre lui par la Cour pénale internationale. Or je rappelle que cette immunité est tout à fait contraire au droit international.

Cette posture incohérente a des conséquences graves pour la France et pour le droit international. Elle affaiblit la crédibilité de notre pays en tant que défenseur du droit international et érode profondément l’influence dont la France disposait au Moyen-Orient et dans le reste du monde. Les mandats d’arrêt émis ne sont pas de simples formalités administratives, mais des actes de justice qui rompent avec les logiques coloniales et le double standard qui en résulte. Elle fragilise aussi le droit international, perçu comme de moins en moins juste et universel, et renforce le discours des régimes autoritaires pour lesquels le recours à la force est la seule solution politique.

Ces contradictions ne sont plus tenables. Dans votre réponse à ma question, je vous demanderai de faire comme si, quand vous parlez du régime israélien, vous parliez de n’importe quel autre pays dans le monde qui, depuis des décennies et quotidiennement, bafoue le droit international.

Allez-vous enfin aligner les actes de la France sur ses principes et engagements internationaux ou avez-vous décidé de sacrifier nos principes, nos valeurs et le droit international pour préserver l’impunité historique dont jouissent les gouvernements israéliens pour les crimes qu’ils commettent en Palestine et au Liban ?

M. le président

La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Noël Barrot, ministre

Vous m’interrogez sur deux sujets : la reconnaissance du génocide et les mandats de la Cour pénale internationale.

Premièrement, s’agissant du génocide, les mots ont un sens. En droit, le génocide est défini à l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 ainsi qu’à l’article 6 du statut de Rome qui a créé la Cour pénale internationale.

En vertu de ces dispositions, un génocide s’entend comme la commission de certains actes dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel.

La qualification de génocide sur le fondement de l’une de ces dispositions relève exclusivement de la compétence du juge, non de l’appréciation d’un État. En l’occurrence, ni la Cour internationale de justice ni la Cour pénale internationale n’ont jugé, à ce jour, qu’Israël ou ses dirigeants commettaient un génocide à Gaza.

L’ordonnance du 26 janvier 2024 de la Cour internationale de justice n’a pas rendu de décision définitive sur le fond, jugement qui ne devrait pas intervenir avant 2026 ou 2027. Elle s’est bornée à exiger qu’Israël applique une série de mesures conservatoires pour prévenir un tel risque, dispositif complété par une nouvelle ordonnance le 24 mai 2024 qui prévoit deux mesures conservatoires supplémentaires.

À Gaza, notre objectif est que la guerre prenne fin, qu’un cessez-le-feu immédiat et durable soit déclaré, que les otages soient libérés sans plus de délai – une exigence partagée par la Cour internationale de justice – et que l’aide humanitaire parvienne massivement et sans entrave aux populations civiles qui en ont urgemment besoin, comme l’a d’ailleurs demandé également la CIJ.

Nous avons très largement soutenu les mesures conservatoires exigées par la Cour internationale de justice, à la fois au moyen de résolutions adoptées au Conseil de sécurité des Nations unies ou par des déclarations faites au niveau national.

J’en viens à la question des mandats de la Cour pénale internationale. Dans la déclaration à laquelle vous faites référence, nous avons simplement rappelé qu’il existe deux obligations en droit international. La première est de coopérer avec la Cour pénale internationale, dont nous sommes le troisième bailleur, la seconde de respecter les immunités existantes.

En aucun cas nous n’avons dit que l’une des deux obligations devait primer sur l’autre, pour la bonne et simple raison que cette question relève de la seule appréciation du pouvoir judiciaire. Or, en France, l’autorité judiciaire agit en toute indépendance. Comme pour toute autre situation, la capacité de décider de l’exécution, ou non, du mandat d’arrêt émis contre Benyamin Netanyahou s’il devait se rendre en France, reviendrait donc à la justice. La position du Gouvernement sur cette question serait portée à sa connaissance mais in fine, c’est bien l’autorité judiciaire qui déciderait souverainement et en toute indépendance.

En résumé, dans la déclaration à laquelle vous avez fait allusion, nous nous sommes donc bornés à rappeler le droit.

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