Question à Mme Monique Chemillier-Gendreau, professeure émérite de droit public et de sciences politiques à l’université Paris VII
Je souhaite aborder la question des sanctions. Nous constatons, depuis plusieurs dizaines d’années, que les menaces réputationnelles glissent sur Israël. Le régime israélien jouit d’une telle impunité que les menaces de cette nature ne suffisent pas pour changer la donne, c’est-à-dire stopper l’expansion de la colonisation et les violences que celle-ci engendre. Le groupe GDR estime, avec d’autres, que le régime israélien devrait avoir plus à perdre qu’à gagner à poursuivre cette politique expansionniste, ainsi que la politique de nettoyage ethnique, voire de génocide, à Gaza.
De quel arsenal disposons-nous, notamment au niveau européen, pour prendre des sanctions contre Israël ? Je pense en particulier à l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël, mais l’éventail est peut-être plus large.
M. le président
La parole est à Mme Monique Chemillier-Gendreau,
Mme Monique Chemillier-Gendreau, professeure émérite de droit public et de sciences politiques à l’université Paris VII
Israël a plus à perdre qu’à gagner dans ce qui se passe. Je pense que, si j’étais Israélienne, je serais extrêmement inquiète pour l’avenir de mon peuple et de mon pays. Je vous renvoie aux propos de l’amiral Ami Ayalon que j’ai cités tout à l’heure, très justes selon moi : Israël a besoin qu’on l’aide à sortir de ce dans quoi il s’est enfermé, entraîné par son aile droite enragée – il faut bien le dire.
Il y a un éventail de sanctions possibles. À défaut de pouvoir les appliquer – car il faut pour cela des décisions collectives, que ce soit au niveau des Nations unies ou de l’Union européenne –, il conviendrait de soulever la question et d’ouvrir le débat à ce sujet. C’est ce que devrait faire un État comme la France, y compris au Conseil de sécurité. Certes, la démarche n’aboutirait pas, car les États-Unis opposeraient leur veto, mais il faudrait au moins engager le débat en déposant des projets de résolution demandant des sanctions. Le Conseil de sécurité est tout de même chargé de mettre en œuvre des sanctions en cas de recours à la force interdit par le droit !
L’accord d’association entre l’Union européenne et Israël est très large et généreux : du point de vue des avantages commerciaux et de la coopération technique, notamment, il place Israël à un rang qui n’est pas très éloigné de celui des États membres. Nous avons donc là un levier. Là aussi, cela susciterait un débat au sein de l’Union européenne : vous connaissez les réticences de l’Allemagne et d’autres pays dès qu’il est question d’Israël. Mais je trouve regrettable que la diplomatie française ne soulève pas le problème, car cela créerait une dynamique. À défaut de résultats immédiats, nous aurions au moins un résultat valable sur le plan politique.
Ma collègue l’a rappelé tout à l’heure, il y a une mesure assez facile à prendre : la reconnaissance de l’État de Palestine. Ce ne serait évidemment pas une sanction, mais elle serait vécue pratiquement comme telle par Israël, et ce serait un geste très fort de la part de notre pays.
M. le président
La parole est à Mme Insaf Rezagui.
Mme Insaf Rezagui , docteure en droit international de l’université de Paris Cité
Le Conseil de sécurité dispose effectivement d’un arsenal de sanctions possibles, en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations unies. Il en avait fait usage contre le régime d’apartheid en Afrique du Sud.
Je tiens à mentionner d’autres points, trop peu évoqués, sur lesquels les parlementaires que vous êtes pourraient insister.
D’abord, la France devrait être beaucoup plus en pointe sur la question de la compétence universelle ; il faudrait qu’elle renforce la possibilité d’y recourir. Certains États, notamment le Brésil, sont beaucoup plus avancés que nous en la matière. Le France pourrait aussi tout simplement rappeler son soutien aux ordonnances obligatoires de la Cour internationale de justice.
Il y a aussi la question de l’investissement des entreprises françaises dans les colonies. Carrefour et BNP Paribas, notamment, y sont très actifs. Les colons peuvent se procurer des produits Carrefour.
Enfin, peut-être faut-il s’interroger sur les ventes d’armes à Israël par la France et les autres États membres de l’Union européenne – quelque 30 % des armes vendues à Israël proviennent d’Allemagne. En tout cas, la résolution adoptée en septembre 2024 par l’Assemblée générale de l’ONU, en faveur de laquelle la France a voté, soulève clairement la question des ventes et des transferts d’armes à l’État d’Israël.