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Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur le thème "Palestine-Liban, le rôle de la France dans l’effondrement du droit international

Question à Mme Monique Chemillier-Gendreau, professeure émérite de droit public et de sciences politiques à l’université Paris VII.

Je vous remercie, mesdames, pour vos explications et je serais tenté de dire qu’on s’arrête là, parce que vous avez dit beaucoup de choses et apporté une réponse synthétique à la question posée ce soir. Le droit international est composé de très nombreuses sources : les traités, les conventions internationales, les accords multilatéraux ou bilatéraux, les décisions de la justice internationale ou européenne, rendues notamment par la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale. Vous avez rappelé que la France a été un moteur dans la création du droit international, mais également dans sa défense au fil des années, et cela pendant longtemps. Aujourd’hui, la France porte une responsabilité de plus en plus grande dans l’effondrement du droit international, tant lorsqu’elle méconnaît une règle de droit international que lorsqu’elle accepte, d’une manière ou d’une autre, une situation illégale au regard du droit international.

Je ne reviendrai pas sur la déclaration du président de la République du mois de juillet 2024. Lorsqu’une instance juridique internationale remet un avis ou une décision, ce rendu doit s’appliquer à la France : le confirmez-vous ? Quand la Cour internationale de justice affirme qu’il existe un risque de génocide contre la population palestinienne, la France est-elle dans l’obligation juridique de prendre des sanctions pour contraindre l’État violant les règles internationales – dans ce cas, Israël – à s’y conformer ? Je souhaiterais que vous clarifiiez la question de la reconnaissance de la compétence de la Cour par la France. Si la réponse est positive, quel éventail de sanctions la France pourrait-elle infliger à Israël comme à tout autre État qui commettrait ce genre d’infraction ? Au nom de mon groupe, j’ai moi-même réalisé un rapport sur l’état du droit international pour la commission des affaires étrangères. L’ONU joue-t-elle toujours un rôle ? N’évoluons-nous pas vers un espace où le droit international s’effondre ? Quand on écoute les dernières déclarations de M. Trump, on peut légitimement se poser la question.

M. le président

La parole est à Mme Monique Chemillier-Gendreau.

Mme Monique Chemillier-Gendreau, professeure émérite de droit public et de sciences politiques à l’université Paris VII.

Le fait que la France ne reconnaisse pas la juridiction de la Cour internationale de justice – celle de La Haye, qui a été fondée avec les Nations unies – ne signifie pas qu’elle ne doit pas respecter ce que dit cette cour. Ce sont deux choses différentes. Je regrette infiniment que la France ait agi ainsi. C’est en 1974, quand elle a été menacée d’être traînée devant la Cour pour les essais nucléaires dans le Pacifique, et alors même qu’elle avait reconnu la juridiction obligatoire de la Cour en tant que membre permanent du Conseil de sécurité – comme grande puissance, c’était bien le moins qu’on pouvait attendre d’elle –, qu’elle a préféré s’en retirer. Elle n’est jamais revenue sur sa décision.

Cela signifie qu’aucun État de la planète ne peut traduire la France devant la Cour internationale de justice, sauf si l’État en question est lié à la France par un traité qui inclut une clause de juridiction. C’est le cas notamment de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Cela étant, les arrêts de la Cour et ses avis consultatifs constituent des moyens, pour elle, de préciser le droit international, s’agissant de problèmes où subsiste un doute sur ce que dit ce droit. Une fois que la Cour a dit le droit international, son interprétation est valable pour tous les États du monde. Même si sa décision ne peut pas être revendiquée par un État dans un contentieux bilatéral, d’une manière générale le droit international a été dit.

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