Question au ministre délégué chargé de l’Europe
L’Europe risque d’être l’une des premières victimes de l’administration américaine. Le président Trump a en effet déclaré vouloir lui faire payer son excédent commercial par une hausse des tarifs douaniers et du prix du GNL.
Alors que la menace d’une guerre commerciale est à l’ordre du jour, l’Europe se trouve dans un état de fragilité absolue : après le choc énergétique provoqué par l’invasion russe de l’Ukraine, nous voici au milieu d’une crise industrielle qui risque de laisser, en France, plus de 200 000 personnes sans emploi.
La politique de l’offre est morte ! Loin d’avoir réussi à freiner les destructions d’emplois, les subventions et crédits accordés aux entreprises ont rempli les poches de ceux qui impulsent les délocalisations.
Le temps du libre-échange est révolu ! Les marchés internationaux ne sont pas des vecteurs de paix entre les peuples mais, comme cela a toujours été le cas, le lieu où le mode de production capitaliste se développe et où les puissances impériales se confrontent.
Même l’ancien président de la Banque centrale européennen (BCE), Mario Draghi, reconnaît dans son rapport que l’Europe décroche et qu’il faudrait un investissement annuel commun de 800 milliards d’euros pour rattraper ce retard. Or vous vous apprêtez à diminuer l’investissement public en France !
L’affirmation d’une souveraineté industrielle des pays européens nécessite de rompre avec les dogmes économiques austéritaires des vingt dernières années. La France peut défendre cette voie avant-gardiste !
Cette rupture doit se traduire par des actes concrets : une réforme du pacte de stabilité et de croissance, une régulation des prix de l’énergie pour favoriser l’industrie, une protection des producteurs européens et la conquête de l’indépendance énergétique. Il faut aussi réorienter l’argent : les 100 milliards versés aux actionnaires du CAC40 en dividendes et en rachat d’actions doivent être redistribués.
Face aux offensives impérialistes sino-américaines, ne pensez-vous pas que l’Europe et la France doivent réinvestir massivement, instaurer des barrières douanières pour protéger leurs industries et leurs emplois ?
Monsieur le ministre, sortez des chimères du libre-échange, protégez les Français et les Européens !
M. le président
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benjamin Haddad, ministre délégué
Je ne me souvenais pas que le rapport Draghi préconisait une sortie du capitalisme ! Il nous encourage au contraire à faire émerger des acteurs industriels et technologiques en leur laissant la possibilité de prendre des risques, d’innover, d’entreprendre et en les finançant afin de créer un écosystème favorable.
Cela signifie, tout d’abord, qu’il faut simplifier et réduire les normes et les régulations qui ont trop longtemps empêché certains acteurs de se développer. Mario Draghi propose ainsi un choc de simplification pour soutenir nos entreprises. Il faut ensuite renforcer les acteurs du capital-risque, les banques qui souhaitent financer et investir.
Par ailleurs, vous avez raison de le souligner, il faut aussi prévoir des investissements publics. Je mentionnais d’ailleurs à l’instant le plan d’endettement commun NextGenerationEU, ce grand emprunt européen lancé sous l’impulsion de la France et de l’Allemagne pour sortir de la crise covid. L’ancien président de la BCE, Mario Draghi, estime, lui, qu’il faut mobiliser 800 milliards par an.
S’agissant du libre-échange, nous devons, comme les autres, être capables de défendre nos intérêts commerciaux. Le cas échéant, lorsque nous sommes sous la pression des États-Unis ou de la Chine, nous devons pouvoir répondre en imposant nos propres mesures tarifaires. Nous avons agi ainsi face aux véhicules électriques chinois et, à l’avenir, si nous sommes sous pression commerciale, nous devrons de nouveau assumer des rapports de force et des bras de fer avec les États-Unis. À cet égard, c’est bien en restant unis et forts, que nous pourrons, en Européens, assumer ce rapport de force. C’est bien sûr la voix que portera la France.