Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur le rapport du CEC « Prise en compte du retrait-gonflement des argiles »

DISCUSSION GENERALE

Alors que la COP29 vient de se conclure dans un climat de doute et d’inquiétude quant à la pérennité d’une diplomatie climatique, il importe de nous préparer au pire et de nous assurer que les services de l’état soient capables d’y répondre de façon pérenne. Entraînant à parts égales sécheresses et inondations, le dérèglement climatique ravage les sols, les bâtiments. Dans ces circonstances, nous pouvons être fiers que la France soit l’un des seuls pays à disposer, depuis 1982, d’un régime spécifique d’aide aux victimes de catastrophes naturelles ; toutefois ce régime est affaibli, comme le rapport l’a mis en évidence, et plutôt que de le soutenir, le gouvernement préfère laisser se craqueler avec lui plus de 10 millions de maisons françaises, menacées par le retrait-gonflement des argiles.

Censée garantir le bon fonctionnement du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, la Caisse centrale de réassurance (CCR) a vu ses ressources drainées depuis 2016 par les sécheresses, en particulier par celle, historique, de 2022. Bilan : 2,2 milliards d’euros en moins pour un fonds qui doit pourtant permettre au pays d’affronter des catastrophes susceptibles de coûter des dizaines de milliards. Dans le même temps, les assureurs, qui perçoivent la moitié de la surprime affectée au régime, n’en couvrent parfois qu’un quart des frais en raison du plafonnement inadapté de leurs dépenses. Plus le sinistre est grave, plus le régime se révèle inefficace et coûteux. Encore faut-il que les dommages aient été reconnus ! Les trois quarts des demandes d’indemnisation sont rejetées, les unes par l’État, qui use de critères artificiels et ambigus, les autres par les assureurs, avec qui les experts sont de connivence et auxquels l’ordonnance du 8 février 2023 – laquelle les autorise à exclure de l’indemnisation les dommages considérés comme esthétiques – permet de se faire des rentes aux dépens de l’État et de la misère humaine.

De quoi d’autre que de misère pourrait-on parler quand votre maison s’écroule lentement mais sûrement et que les dégâts se sont produits un mois avant le trimestre reconnu par la commission « cat nat », ou 50 mètres trop à l’ouest pour se situer sur le territoire de telle commune ? De 2008 à 2022, j’étais maire de Vierzon : je connais ces dysfonctionnements, le désarroi des familles qui risquent de tout perdre parce que leur déclaration a été faite deux jours avant la date de reconnaissance du sinistre – des sinistres de plus en plus importants, de plus en plus fréquents – ou trois jours après l’expiration du délai, et de celles qui ne pouvaient prévoir l’apparition de fissures, car le retrait-gonflement des argiles est un processus continu, si bien qu’elles n’entrent pas dans un calendrier rigide et intangible. Nous en sommes venus à leur proposer de renouveler leur déclaration tous les mois, afin de maximiser leurs chances d’arriver au bon moment. La loterie, voilà à quoi en sont réduits nos concitoyens !

Avant d’alourdir le coût pour les Français du régime « cat nat », encore faudrait-il s’assurer qu’ils puissent en bénéficier. En ce sens, aussi bien le rapport que la proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causé par le retrait-gonflement de l’argile, adoptée par notre assemblée, à l’issue de sa première lecture, le 6 avril 2023, prévoient à juste titre une présomption de lien de causalité, formidable moyen de revalorisation du régime auprès de nos compatriotes. Cette proposition de loi a pourtant été rejetée au Sénat par le bloc gouvernemental, au mépris de ceux qui n’ont que leur maison comme patrimoine. Il convient par ailleurs que les compagnies d’assurance se mettent réellement au service de l’urgence nationale face au dérèglement climatique : le régime doit être revu de fond en comble, afin que la surprime serve à autre chose qu’à remplir les poches du privé.

Nous n’aurons pas un autre quart de siècle pour réagir : dans vingt-cinq ans, le nombre des vagues de chaleur annuelles aura doublé. Il faut agir maintenant, si nous ne voulons pas que les Français paient demain le prix de notre négligence : refuser de les abandonner plus longtemps, repenser les méthodes d’évaluation de l’état de catastrophe naturelle afin que l’état des sols suffise à prouver le danger, ce qui mettrait un terme au déni de reconnaissance de la moitié des demandes. Il faut s’assurer que nos concitoyens déjà victimes soient pris en charge sans que cela freine le dispositif, en créant un fonds pourvu des 2,6 à 5,4 milliards nécessaires. Il faut abroger l’ordonnance du 8 février 2023, dont se servent les assureurs pour laisser sur le carreau des centaines de milliers de Français, et revoir le mécanisme de réassurance en excédent de pertes annuelles, dit stop loss, afin qu’ils contribuent davantage à l’indemnisation des catastrophes à venir. Madame la ministre, il y a urgence à témoigner notre respect à ceux qui se sentent abandonnés, et les réponses aux questions qu’a posées la rapporteure sont attendues par tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, LFI-NFP et EcoS. – Mme Sandrine Rousseau, rapporteure, applaudit également.)

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