QUESTION
Le débat sur le rapport relatif à l’évaluation de la lutte contre la contrefaçon fait apparaître une certitude : l’État court derrière les contrefacteurs avec des longueurs de retard qui ne cessent de s’accroître. Comme l’a expliqué mon collègue Jean-Paul Lecoq, la fragilisation de la chaîne du contrôle, de l’investigation et de la pénalisation qui relie la douane, la DGCCRF et la justice empêche de combattre le phénomène tentaculaire de la contrefaçon, qui s’étend avec l’e-commerce et les échanges de marchandises de plus en plus nombreuses qui sillonnent la planète. Rendez-vous compte que cette question se pose jusqu’à Vierzon, où il existe un opérateur ferroviaire de proximité qui envoie et reçoit trois trains complets de containers par semaine à destination ou en provenance du port du Havre. Si la douane est parfois présente à Vierzon, on ne peut pas dire que les équipements et les contrôles suivent : il n’y a pas de scanner pour vérifier les entrées et sorties des 200 containers qui transitent chaque semaine et les douaniers sont plutôt affectés à produire les documents fiscaux – au demeurant essentiels – qui permettent aux containers de ne pas être contrôlés en provenance ou à destination du Havre.
Au-delà de ces constats, je souhaite vous poser trois questions précises – des questions de profane.
Premièrement, les services de l’État ont-ils pu établir un lien entre contrefaçon et cryptomonnaies ? Si oui, comment cela se traduit-il ? Deuxième question : dans le rapport, il est demandé d’inscrire systématiquement le thème de la contrefaçon dans les échanges bilatéraux et internationaux. Au niveau fiscal, la fraude à la TVA est due pour partie à la contrefaçon ; savez-vous l’évaluer, même à gros traits ? Troisièmement, s’agissant des médicaments et du tabac, serait-il incongru de penser qu’il existe une zone grise entre fabricants de produits licites et de produits contrefaits, et que de grands laboratoires ou de grandes firmes de tabac seraient susceptibles de jouer sur les deux tableaux ?
Mme la présidente
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Marina Ferrari, ministre déléguée
Il me sera difficile de répondre à vos trois questions en deux minutes. Puisque vous avez évoqué les moyens de la douane dans votre propos liminaire,…
M. Nicolas Sansu
Ce n’est pas la question !
Mme Marina Ferrari, ministre déléguée
je vous rappelle que ses effectifs sont quasiment stables depuis 2021 et que, dans le cadre du dernier plan antitabac, des investissements importants sont destinés à améliorer la détection de la fraude de tabac. Vous avez évoqué l’action de la douane à Vierzon. Je tiens à rendre hommage à ses agents, qui travaillent bien puisque la brigade de Bourges a saisi depuis le début de l’année 5 090 articles de contrefaçon qui représentent une valeur de plus de 197 000 euros. Plusieurs investissements sont cofinancés et planifiés : dix scanners mobiles de basse intensité seront positionnés très prochainement sur tout le territoire. Nous procédons au redéploiement et à l’adaptation des missions de nos douaniers, davantage qualifiés dans le domaine du numérique et de la cyberdouane.
Aucun lien entre cryptomonnaies et contrefaçon n’est aujourd’hui suffisamment établi. Toutefois, dans la nouvelle stratégie financière et dans le plan national d’action contre la contrefaçon, des dispositions convergent pour donner aux agents chargés des contrôles les moyens d’approfondir les éventuels liens entre les constatations en matière de contrefaçon et les avoirs financiers détenus par les réseaux qui organisent ces trafics. Les cryptomonnaies peuvent servir à financer des achats de contrefaçon, mais quand elles sont utilisées à mauvais escient, elles le sont plutôt pour acheter des stupéfiants ou des armes. En revanche, je me permets de vous rappeler que la France a été précurseur en matière de règlement relatif aux cryptomonnaies, puisque la régulation des prestataires de services sur actifs numériques (Psan) – régulation des fournisseurs de services – a été à l’origine d’une nouvelle réglementation qui se déploie en Europe. Je n’ai plus le temps pour répondre aux autres questions ; nous pourrons en reparler ultérieurement. Sachez simplement que nous ne disposons pas des éléments marquants et probants qui nous permettraient d’identifier l’éventuelle zone grise que vous évoquez et dans laquelle évolueraient les fabricants de médicaments et de tabac.