DISCUSSION GENERALE
Avant tout propos sur le rapport, rappelons le contexte dans lequel nos rapportrices – puisque c’est ainsi qu’il faut les appeler, paraît-il – ont dû évaluer ces dispositifs : l’effondrement des mises en chantier de logements privés comme publics, plus de 4 millions de personnes mal-logées et 330 000 sans-abri, plus de 1,5 million de personnes qui n’ont pu se chauffer correctement, sans compter les difficultés qui s’accumulent pour adapter les logements à la perte d’autonomie, ce qui pénalise d’abord nos anciens.
Pourtant, la part de revenu disponible des ménages consacrée au logement est passée de 11 % en 1960 à 26,7 % en 2022 avant la perception des aides personnelles au logement, et à 18,1 % après la perception.
Notre modèle est donc caduc. Les actions pour lutter contre le mal-logement ou le sans-abrisme ne sauraient en rester à des dispositifs d’aide qui ont montré leur inefficacité alors même que le logement pèse de plus en plus dans les dépenses des ménages.
Le rapport a le mérite de mettre en évidence ces lacunes, notamment celles de MaPrimRenov’ qui n’a pas permis de tenir une trajectoire de rénovation compatible avec nos engagements climatiques.
Le nombre de passoires thermiques demeure très élevé, de l’ordre de 6,6 millions, dont 4,8 millions de résidences principales. Le parc locatif privé en compte à lui seul plus de 1,3 million. Les logements classés A ou B, qui sont censés composer la totalité du parc en 2050, ne représentent que 6 % des résidences principales. Il faudrait 600 000 rénovations performantes par an pour satisfaire les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone. Nous en sommes à 66 000. Pour couronner le tout, le budget de l’aide à la rénovation énergétique passera l’an prochain de 4 à 2,5 milliards d’euros – si tant est que nous ayons un budget.
Depuis 2017, c’est le règne des grandes phrases et des petits actes. Aussi préconisons-nous, à l’instar d’autres collègues du Nouveau Front populaire, d’instaurer un dispositif unique d’avance remboursable, baptisé « prime pour le climat », qui permettrait d’avancer l’argent nécessaire à la réalisation des travaux. La somme allouée serait remboursable dans le cadre des subventions prévues dans les opérations programmées d’amélioration de l’habitat (Opah), et le reste exigible à la mutation du bien.
Pour tout vous dire, alors que j’étais maire de Vierzon en 2018, nous avions esquissé, avec la Banque des territoires et l’Anah, les contours d’un tel dispositif dans le cadre d’une opération programmée d’amélioration de l’habitat et de renouvellement urbain (Opah-RU). Que de bâtons dans les roues ! Que de justifications de la part des services de l’État pour ne pas faire !
Pourtant, c’est ce levier qui aurait permis d’accélérer les travaux et de sécuriser des propriétaires qui, à présent, ne peuvent même plus avancer 30 000, 40 000 ou 50 000 euros pour des travaux. Le pire étant que le prix au mètre carré en rénovation coûte plus cher que le prix au mètre carré neuf. Dans les territoires détendus, c’est une incitation à l’abandon de logements, notamment dans les centres-villes et les centres-bourgs, et le risque de voir augmenter le nombre de logements indignes est réel.
Je me souviens d’une copropriété d’une cinquantaine de logements, pas encore dégradée mais fragile, occupée par de nombreuses personnes âgées. Comment voulez-vous qu’avec une petite retraite, ces anciens aient les moyens, à 80 ou 85 ans, d’avancer des dizaines de milliers d’euros ? Cela ne fonctionne pas. Un dispositif d’avance, couplé à une prise en considération de la surcharge foncière, est le seul moyen pour changer de braquet sur la rénovation énergétique.
J’ajoute que les bureaux d’études que l’on voit fleurir et qui se payent sur une partie des subventions reçues par les particuliers pour remplir des dossiers si complexes, si bureaucratiques, que l’administration soviétique apparaît comme angélique en comparaison, devraient tout simplement être interdits. C’est au service public de prendre en charge ces dossiers et d’accompagner nos concitoyens pour le bien commun et notre planète, en consacrant, comme le propose le Conseil d’analyse économique (CAE), 8 milliards d’euros à la rénovation des logements.
Par ailleurs, la transition démographique, marquée par le vieillissement de la population, la hausse du nombre de séparations et, par conséquent, des familles monoparentales, nous impose de mener une réflexion approfondie sur le type de logements, le nombre de logements, la localisation des logements dont nos concitoyens ont besoin. C’est d’autant plus vrai que le dispositif MaPrimAdapt’ pose à nos anciens les mêmes difficultés pour obtenir une avance. Surtout, la moitié des logements occupés par des personnes de plus de 60 ans ne sont pas adaptables.
Au total, les dispositifs décrits dans le rapport sont très loin d’atteindre leur cible et contribuent à l’inefficacité de la politique publique du logement. Au cours du débat budgétaire, nous avons eu l’occasion de vous faire des propositions fortes : baisser la TVA, élargir le champ des prêts à taux zéro, proposer des mesures de soutien aux maires bâtisseurs, mettre un terme aux niches fiscales inopérantes. Madame la ministre, il est urgent de redonner de l’espoir à nos compatriotes pour un logement digne, décent, qui reflète la promesse républicaine d’égalité et de fraternité. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et EcoS.)