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Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat - Questions sur le projet Hercule

Tout d’abord, je remercie les intervenants pour la qualité de leurs propos et d’avoir répondu à l’invitation du groupe communiste.

EDF, c’est une histoire nationale, le fruit d’un compromis, celui du programme du Conseil national de la Résistance, qui offrait au pays la possibilité de maîtriser son destin énergétique et de garantir sa souveraineté. La France a su historiquement se doter d’un outil fort : une entreprise commune, au service de la fourniture de l’électricité – qui n’est pas une marchandise comme les autres, mais qui est un bien commun. Cela a permis, par la voie de la planification, d’assurer à tous un accès, un droit à l’énergie.

Vous l’avez rappelé : la France bénéficie aujourd’hui d’une des productions énergétiques les moins coûteuses au monde – notamment comparativement à son voisin allemand –, avec un coût quatre fois inférieur à la moyenne européenne. La qualité de cette production, le faible coût de l’énergie, son impact environnemental moindre, nous les devons – je tiens à le dire au nom du groupe communiste – au travail, à l’expertise, à l’intelligence des milliers d’agents de l’entreprise EDF. Pourtant, chaque jour un peu plus, que ce soit à travers le rapport Folz, qui dénonce le sous-investissement chronique au sein de l’entreprise, dont les salariés subissent les conséquences, ou avec la révélation du projet Hercule, le mépris à l’égard de cet outil industriel incomparable semble rester le leitmotiv de la stratégie de la direction d’EDF – pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le directeur exécutif – et du Gouvernement. Un projet de cette importance peut-il se négocier dans le dos des Français, dans le huis clos d’un bureau, entre l’Élysée et la Commission européenne, en laissant dans le vent la représentation nationale ? En posant la question, nous apportons la réponse : de notre point de vue, non, bien évidemment.

C’est pourquoi, après avoir porté le sujet sur la place publique quand François de Rugy était ministre, nous en faisons aujourd’hui un objet de débat. Nous devons éclaircir ce que signifie ce projet Hercule de dépeçage de l’entreprise EDF, pour les salariés et pour l’ensemble de la société.

Ma première série de questions s’adressera à M. Dos Santos. Quels sont les risques induits par un tel projet que les salariés et les organisations syndicales ont pu identifier ? Alors que la branche commercialisation d’EDF regroupe aujourd’hui plus de 8 500 salariés, quel avenir attend ces agents au sein d’un groupe découpé ? Quelles menaces le projet Hercule soulève-t-il, y compris en matière de maillage territorial, pour les salariés ?

Deuxième série de questions. Ma conviction, c’est que la scission de l’entreprise EDF entre Bleu et Vert va faire entrer le loup dans la bergerie ; ce loup, c’est la logique d’actionnaire, et la bergerie, c’est – notamment – la production. La logique d’actionnaire est-elle compatible avec l’impérieuse nécessité de veiller comme à la prunelle de nos yeux à un haut niveau de maintenance, à un haut niveau de sécurité, à un haut niveau de qualification afin de maintenir un mix énergétique ? Pensez-vous que le découpage de l’entreprise EDF peut altérer la qualité du service rendu à l’usager ?

M. le président. La parole est à M. François Dos Santos.

M. François Dos Santos. Monsieur le député, vous dites que tout cela se négocie dans le dos des Français : nous sommes tout à fait d’accord avec vous. Malheureusement, ce sont les mêmes éléments de langage ou à peu près qui sont répétés depuis six mois. Manifestement, il se passe beaucoup de choses, mais rien ne transparaît dans le discours public ; on ne sait pas ce qui se passe exactement à la Commission européenne ni à l’Élysée. Personnellement, je pense qu’il serait indispensable que la ministre vous donne des explications concrètes sur ce à quoi travaillent aujourd’hui les administrations – parce qu’elles travaillent indéniablement sur quelque chose. Nous regrettons ce manque de transparence.

Vous savez les contraintes que peuvent poser pour les salariés la financiarisation de certaines activités et le fait de faire entrer des actionnaires minoritaires dans une entité. D’ailleurs, comme EDF Bleu et EDF Vert n’auront pas exactement les mêmes actionnaires, les intérêts des actionnaires minoritaires de chacune des entités risquent d’être contradictoires. Cela pose problème. Ce qui est certain, c’est que quand on divise un objet en plusieurs parties, on prend le risque de fragiliser chacune d’elles, au gré de la conjoncture économique.

S’agissant d’EDF Bleu, il est certain que, l’essentiel de son activité concernant le nucléaire, la question de l’avenir de celui-ci sera déterminant pour la survie de l’entreprise. Si l’on ne met pas en service de nouveaux réacteurs en France, cela revient à expliquer à EDF Bleu qu’elle sera une structure de défaisance, qui n’aura plus d’activité à l’horizon 2050.

Quant à EDF Vert, j’y vois une menace essentiellement pour la direction commerciale. On sait que dans les prix de l’électricité sont incluses de nombreuses taxes. Il y a le prix de l’énergie proprement dite, qui correspond à la production et à ce qui est lié au réseau, le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE : cela représente environ 95 % du prix du kilowattheure. Ce prix est le même quel que soit le fournisseur d’électricité. Les 5 % qui restent correspondent au coût des conseillers clientèle, des démarcheurs, des gens qui gèrent les factures, des systèmes d’information etc. C’est une machine à fabriquer du dumping social : comme tout se joue sur 5 %, pour être moins cher que le voisin, il faut énormément contracter les coûts, par exemple en implantant le centre d’appels à Lisbonne, au Cameroun ou au Sénégal ou en faisant tout faire en ligne par le client. Il n’y a pas 150 solutions pour être compétitif ! Le modèle d’EDF, avec ses 5 000 conseillers clientèle en France et des conseillers dédiés pour discuter avec l’assistante sociale et les publics précaires, n’a aucun avenir dans un contexte totalement libéralisé.

M. le président. La parole est à M. Christophe Carval.

M. Christophe Carval. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire M. Dos Santos : l’avenir de la société Bleu, dont l’activité sera centrée sur la production, notamment nucléaire, dépendra incontestablement de la possibilité de renouvellement de l’industrie nucléaire, afin notamment de maintenir durablement l’attractivité de la société et les compétences. Vous évoquiez le rapport Folz, monsieur le député : on a souffert d’un manque de continuité dans la conduite des projets et l’on voit les conséquences que cela peut avoir, que ce soit en interne ou parmi les prestataires, sur les compétences : on a du mal à maintenir les compétences à un haut niveau si l’on n’a pas de vision industrielle à long terme pour une activité.

On a évoqué les inquiétudes pouvant peser sur les équipes de commercialisation du groupe EDF. Comme le soulignait M. Dos Santos, toutes sont situées en France, ce qui n’est pas le cas chez beaucoup de nos concurrents. Cela étant, le fait qu’EDF soit aujourd’hui considéré comme un acteur dominant l’oblige déjà à commercialiser le kilowattheure en se basant sur son prix sur le marché de gros ; en d’autres termes, le commercialisateur EDF ne bénéficie actuellement, même si ses activités de production et de commercialisation sont intégrées, d’aucun avantage, d’aucune condition particulière pour l’achat de l’électricité qu’il est chargé de revendre.

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Sébastien
Jumel

Député de Seine-Maritime (6ème circonscription)
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