Je remercie chacun des intervenants.
Ma question porte sur la segmentation du traitement de la sécurisation des parcours. Plusieurs chercheurs soulignent que les pays qui ont le meilleur taux d’emploi des seniors sont ceux qui présentent les meilleures conditions de travail.
En partant de ce constat, on peut se demander s’il est justifié de traiter les salariés expérimentés ou plus âgés de manière distincte des autres salariés. Ainsi la chercheuse Annie Jolivet écrit-elle : « Si les salariés rencontrent des problèmes liés à leur santé, au temps de travail ou à la pénibilité des tâches, ces difficultés sont présentes à n’importe quel âge. » Cela rejoint d’ailleurs ce que vous venez de dire.
Autrement dit, les difficultés qui s’accentuent en fin de carrière seraient révélatrices de problèmes intrinsèques au marché du travail. Sur ce point, je rejoins les propos de M. Ricordeau. Il est urgent d’essayer de réparer les injustices et les inégalités subies par les travailleurs dits seniors. De même, il est essentiel de défendre les droits en matière de santé au travail – M. Foucard l’a souligné –, ainsi qu’en matière de retraite, de formation ou encore de chômage. Cependant, n’est-ce pas un piège que de traiter les seniors de façon séparée, en segmentant des injustices qui, en réalité, touchent l’ensemble des travailleurs, parce qu’elles sont causées par les modalités mêmes de fonctionnement du marché du travail ?
Concentrons-nous sur la formation. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 12,6 % des seniors ont accès à la formation en France, contre 28 % en Allemagne, soit plus du double. En outre, il existe de fortes disparités selon le niveau de diplôme et le type d’emploi occupé. Selon le Céreq – Centre d’études et de recherches sur les qualifications –, deux fois plus de cadres et de salariés occupant une profession intellectuelle supérieure bénéficient d’un accès à la formation que les ouvriers, alors que le taux d’emploi des cadres âgés de 60 à 64 ans est deux fois supérieur à celui des ouvriers du même âge.
En d’autres termes, les salariés qui ont le plus besoin d’accéder à des opportunités professionnelles en acquérant de nouvelles compétences sont aussi ceux qui accèdent le moins à la formation.
L’urgence commande de corriger ces inégalités, à condition de ne pas perdre la bataille sur le long terme. Cette bataille est celle d’un droit à la formation choisi, pour tous, tout au long de la vie – pas seulement en fin de carrière, quand il est presque trop tard pour évoluer ou se réorienter.
Je souhaite connaître votre opinion sur le sujet, même si vous n’avez que deux minutes pour me répondre, ce qui est assez frustrant.
Mme la présidente
La parole est à M. Yvan Ricordeau.
M. Yvan Ricordeau
Secrétaire général adjoint CFDT
Votre intervention corrobore les propos que j’ai tenus tout à l’heure : la question de l’emploi des seniors est avant tout une question de travail.
Nous sommes à l’avant-veille de la réunion de négociation conclusive. Or le patronat n’a apporté aucune nouvelle proposition pour mieux prendre en compte les conditions de travail et, ainsi, améliorer les carrières et l’emploi des seniors. Il reste donc un fossé énorme à franchir pour avancer dans la direction que vous indiquez.
Est-ce un piège que de mener une politique spécifique pour les seniors ? En ce qui concerne les conditions de travail, on peut éviter ce piège grâce à l’anticipation et à la prévention. Plus on anticipe, plus on prévient, et moins on a besoin de mesures spécifiques par la suite. C’est pourquoi nous proposons – comme d’autres, désormais – d’organiser des rendez-vous tout au long de la carrière professionnelle, à intervalles réguliers, afin de poser les bonnes questions à 35, 45 et 55 ans, et non plus seulement à 55 ans. Ainsi, le piège ne se refermera pas sur les travailleurs.
Pour autant, nous sommes des syndicalistes : quand des salariés sont confrontés à des problèmes particuliers, notre objectif est d’améliorer leur situation. Je pense aux métiers très exposés : on aura beau anticiper et prévenir, il faudra quand même réparer, en raison de la pénibilité du travail.
Une organisation d’employeurs l’a très bien exprimé lors des négociations, sans que cela n’ait débouché sur des mesures concrètes pour le moment. Les représentants des petits artisans observent ainsi que l’on accepte sans difficulté que les footballeurs commencent très jeunes et doivent changer de métier à 35 ans, mais que l’on ne reconnaît pas ce droit à d’autres professions. Il faudrait étendre ce principe. Les enjeux sont d’une telle ampleur que je doute que nous les résolvions en une journée ou un week-end.
Mme la présidente
La parole est à M. Samuel Tual.
M. Samuel Tual
Vice-président du Medef, pays de Loire
Permettez-moi de compléter les propos de M. Ricordeau, avec qui je suis d’accord. Le problème ne se résume pas à la fin de carrière ; celle-ci doit être anticipée le plus tôt possible. Les conditions de travail doivent être adaptées au gré des âges et des étapes de la vie professionnelle.
C’est pourquoi il est important d’aménager les conditions de travail en fin de carrière – je pense au tutorat, qui donne du sens au travail, mais aussi au temps partiel. Des dispositifs incitatifs doivent encourager à prévoir ces aménagements.