Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur la retraite et la protection sociale dans la fonction publique

QUESTIONS AUX INVITES

Je remercie tout d’abord nos trois invités d’avoir accepté de participer à cet échange. Les premières questions que je souhaite poser portent sur la protection sociale complémentaire. Pourriez-vous nous indiquer quels sont, selon vous, les critères qu’il faut à tout prix faire figurer dans les appels d’offres, ceux qui vous semblent déterminants ? D’autre part, avec la réforme proposée, n’assiste-t-on pas à une évolution du rôle des mutuelles ?

Par ailleurs, selon nos informations, le ministère se ferait assister, pour les négociations, par un cabinet de conseil. Si tel est bien le cas, pouvez-vous nous dire ce que vous en savez ?

J’aimerais également que vous nous apportiez des précisions au sujet de la prévoyance et du financement de la prévention – qui font partie, je crois, des critères importants à vos yeux – ainsi que sur l’invalidité, une question abordée par Martial Crance, que nous avons évoquée lors de la table ronde précédente et qui mérite d’être posée de façon spécifique s’agissant de la fonction publique.

J’en viens aux retraites. Premièrement, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la prise en considération de la pénibilité dans la fonction publique – à la fois sur les évolutions qui ont déjà eu lieu, dans le bon ou dans le mauvais sens, et sur celles qui sont sans doute encore nécessaires aujourd’hui ?

Deuxièmement, quels sont les effets de la réforme de la fonction publique – qui vise à modifier la structure de l’emploi public – sur la construction du droit à la retraite et sur le système de retraite ? J’ai noté que la part du nombre de vacataires dans la fonction publique avait augmenté par rapport au nombre de titulaires.

Mme la présidente

La parole est à M. Didier Quercioli. secrétaire général de la Mutualité Fonction Publique

S’agissant des critères qui nous semblent déterminants pour les appels d’offres en matière de protection sociale complémentaire, je rappelle que la valeur promue par les mutuelles historiques de la fonction publique, qui protègent les agents publics depuis quelque soixante-quinze ans, est la solidarité, aussi bien intergénérationnelle qu’entre actifs et retraités. L’idée est de faire contribuer chacun et chacune, au bénéfice de ceux qui sont dans le besoin.

Or la réforme de la protection sociale complémentaire, telle qu’elle se dessine, opérera de facto une segmentation entre les retraités et les actifs, ce qui réduira considérablement les périmètres. Si la question de la dépendance, que j’ai évoquée lors de mon intervention, ou celle de la prévention – entre autres – ne sont pas intégrées dans le champ de la protection sociale, c’est chaque individu qui devra payer s’il souhaite bénéficier d’une couverture. En outre, en l’absence de mutualisation, avec un périmètre beaucoup plus restreint, les coûts permettant de s’offrir une telle protection, à couverture égale, seront beaucoup plus élevés, ce qui aura forcément des conséquences.

Si la prévoyance n’est pas incluse dans l’appel d’offres et qu’on laisse donc à chacun le choix de souscrire, ou non, à un tel contrat, ce type d’assurance deviendra inaccessible pour nombre d’agents. Si je reprends l’exemple de la dépendance, nous assisterions, par rapport à la situation actuelle, à une régression des droits pour 3 millions de fonctionnaires.

Mme la présidente

La parole est à Mme Catherine Perret, secrétaire confédérale de la CGT chargée des questions de retraite.
La réforme de la protection sociale complémentaire a donné lieu à un accord unanime. Nous en sommes donc tous solidaires. Cependant, nous regrettons tous également que la négociation n’ait pu aboutir s’agissant de l’ouverture des droits aux retraités comme aux actifs.

Cette question est liée à celle de l’avenir du statut de la fonction publique, évoquée par M. le député, car un agent devient, à la fin de son activité, un pensionné – le mot « retraité » est presque impropre dans son cas –, ce qui signifie qu’il est toujours au service de l’intérêt général. Il était donc important pour nous de maintenir un lien entre les actifs et les pensionnés. Nous aurions aimé convaincre sur ce point nos interlocuteurs car, au-delà de la question du risque financier – je partage l’inquiétude exprimée par M. Quercioli sur ce point –, ce lien permet de consolider le statut.

J’en arrive ainsi à votre question sur les retraites. Le niveau de contractualisation n’est pas encore assez élevé pour nous permettre de percevoir des effets majeurs sur les retraites – M. Quercioli pourrait répondre plus précisément sur ce point – mais on voit bien qu’en la matière l’évolution est comparable à celle des régimes spéciaux, lesquels sont en voie d’extinction. La loi de transformation de la fonction publique prévoit en effet une forte augmentation du recours à la contractualisation afin de ne plus recruter de fonctionnaires, au moins dans certains ministères. Cela entraîne un basculement de la fonction publique dans le régime général, ce qui a évidemment des conséquences très importantes, comme le manque d’emplois.

Mme la présidente

La parole est à M. Martial Crance, membre de la direction de l’UFFA-CFDT de la fonction publique.

J’apporterai quelques éléments de réponse complémentaires. S’agissant des critères des appels d’offres, mon collègue a évoqué la solidarité intergénérationnelle mais je citerai également la solidarité familiale, c’est-à-dire les droits de la famille dans la prise en charge des ayants droit. Ce critère figure dans l’accord relatif à la protection sociale complémentaire – nous y tenions beaucoup. Nous sommes d’ailleurs également parvenus à y faire figurer la notion de solidarité indiciaire entre agents de la fonction publique, ceux dont l’indice est faible cotisant un peu moins que ceux dont l’indice est plus élevé.

S’agissant des cabinets de conseil, je précise que l’un d’entre eux a bien travaillé avec la DGAFP, la direction générale de l’administration et de la fonction publique, mais aussi avec les organisations syndicales. Cela a permis d’avoir un langage et un logiciel communs à propos de la protection sociale complémentaire, ce qui n’était pas forcément inutile au moment d’aborder les négociations avec les employeurs publics.

S’agissant de la prise en considération de la pénibilité dans la fonction publique, on constate malheureusement très peu d’évolution. La mise en place, évoquée tout à l’heure, d’une retraite progressive pour les agents publics, qui n’existait pas jusqu’à présent, peut être perçue comme intéressante pour les agents, car on sait que l’allongement de la durée de cotisation et le possible – même si on ne le souhaite pas ! – recul de l’âge légal de départ à la retraite créeraient des problèmes en fin de carrière. Ceux-ci existent d’ailleurs déjà dans de nombreuses professions – on a entendu tout à l’heure l’exemple d’une enseignante qui a du mal à tenir jusqu’à la fin de sa carrière.

Par ailleurs, si les durées requises pour les catégories actives n’ont pas été modifiées, il n’en reste pas moins que les personnes concernées auront besoin de deux ans supplémentaires avant l’ouverture de leurs droits. Se pose également la question de la portabilité des droits mise en place à l’intérieur des catégories actives. Ainsi, un fonctionnaire qui a exercé pendant plusieurs années dans une catégorie active en tant que douanier ou policier et qui devient surveillant pénitentiaire conservera les droits acquis au titre de sa première activité, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent. Je citerai encore la suppression de la clause d’achèvement de la carrière en catégorie active – il n’est donc plus nécessaire, pour bénéficier de la catégorie active, d’y finir sa carrière.

Certes, toutes ces mesures amélioreront un peu le sort des agents publics. Il n’empêche que la toile de fond ne change pas : deux ans supplémentaires pour tout le monde. C’est tout de même une décision incroyable car, jusqu’à présent, une personne qui occupait un emploi de catégorie active était autorisée à partir plus tôt parce qu’on considérait qu’elle était usée par son métier et qu’elle se retrouvait en difficulté. Or on estime aujourd’hui qu’elle peut malgré tout travailler deux ans de plus. On ne peut donc pas vraiment parler d’amélioration.

Enfin, s’agissant de la protection sociale, nous réclamons depuis toujours un couplage des couvertures santé et prévoyance. Il serait très intéressant d’obtenir une telle garantie.

Imprimer cet article

Thématiques :

Pouvoir d’achat Affaires économiques Lois Finances Développement durable Affaires sociales Défense nationale Affaires étrangères Voir toutes les thématiques