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Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur la réforme de la voie professionnelle

La réforme du lycée professionnel annoncée nous inquiète. À nos yeux, elle ne répond pas aux difficultés rencontrées par les élèves et les enseignants de la voie professionnelle ; pire, elle risque de les aggraver.

Plusieurs réformes menées par le passé ont déjà abouti à la réduction de quatre à trois années la formation au bac professionnel, conduisant à une réduction du nombre d’heures de cours pour les élèves et à la suppression de nombreux postes d’enseignants. En proposant de réduire le nombre d’heures de cours au profit d’heures de stages en entreprise, vous allez fragiliser un peu plus encore le socle de connaissances générales et professionnelles délivré aux élèves par les professeurs, et réduire – voire supprimer – les projets culturels et artistiques.

La réforme nous inquiète particulièrement car elle va toucher des élèves issus de milieux populaires, qui ont pourtant besoin d’une formation générale autant que qualifiante, une formation qui participe à leur émancipation et leur permette de devenir non seulement des travailleurs, mais aussi des travailleurs citoyens. Voilà ce qui différencie nos deux projets : nous voulons non pas d’un lycée qui forme à des tâches précises, à un poste de travail précis dans une entreprise précise, mais d’un lycée qui donne accès à une formation complète et permette aux élèves d’intégrer n’importe quelle entreprise et, surtout, de s’y épanouir.

Votre proposition d’augmenter le nombre d’heures de stage en entreprise est symptomatique du niveau de déconnexion de votre ministère avec la réalité. Tous les enseignants font le même constat : il est de plus en plus difficile de trouver un stage qualifiant pour chaque élève. Toutes les entreprises ne jouent pas le jeu, et certaines utilisent les stagiaires pour effectuer les basses besognes, ce qui conduit souvent à une démotivation des élèves, parfois même à leur décrochage. Le monde de l’entreprise ne présente pas le même niveau d’exigence que l’école en matière d’encadrement, de formation et de bienveillance face à de jeunes élèves – souvent mineurs – en apprentissage. C’est pourquoi la réforme, qui ne fera que renforcer la mainmise du monde entrepreneurial sur les formations, m’inquiète.

Madame la ministre déléguée, confirmez-vous vouloir diminuer les heures d’enseignement en lycée professionnel ? Par ailleurs, quel processus démocratique allez-vous instaurer pour discuter de la réforme ? Vous avez déjà abordé le sujet, mais je souhaiterais davantage de précisions, s’agissant notamment du calendrier.

Mme la présidente.

Mme Carole Grandjean, ministre déléguée.

Je vous remercie pour votre question, qui me permet de préciser des éléments déjà présentés. Dans mon propos liminaire, j’ai insisté sur l’attachement du Président de la République aux savoirs fondamentaux, attachement que j’ai rappelé lors de nombreuses interventions. En effet, les savoirs fondamentaux font partie non seulement de l’éducation du futur citoyen, mais aussi des attendus des entreprises. J’ai pris le temps de discuter avec les chefs d’entreprise, les enseignants et les familles : tous s’accordent à reconnaître qu’il est essentiel de renforcer les enseignements fondamentaux, mais qu’aujourd’hui, tel qu’il est organisé, le lycée professionnel ne pallie pas certaines des difficultés rencontrées. C’est là tout l’enjeu : mieux accompagner les élèves qui rencontrent des difficultés et prendre en considération la réalité de parcours scolaires parfois difficiles. Nous allons donc renforcer l’enseignement des matières fondamentales pour les élèves qui en ont besoin.

Contrairement à une précédente réforme, qui avait abouti à la diminution du nombre d’années de formation, nous souhaitons renforcer certains enseignements, pour donner plus de temps à certains élèves tout en maintenant le caractère national des diplômes – je l’ai rappelé dans mon intervention.

Nous continuerons donc d’avancer sur ces deux plans : renforcer les enseignements généraux tout en améliorant les enseignements métiers. Cet objectif doit s’inscrire dans le nécessaire rapprochement de l’école et de l’entreprise, qui donne du sens à la formation de l’élève en lui offrant des perspectives d’insertion professionnelle : il s’agit bien là de l’ADN de la voie professionnelle. Le constat actuel est inquiétant : parmi les élèves qui ne souhaitent pas poursuivre leurs études, un diplômé sur deux ne trouve pas d’emploi. Il est donc de notre responsabilité d’agir.

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