Interventions

Evaluation et contrôle du Gouvernement

Débat sur la politique du médicament et pénuries

La pénurie de médicaments n’est pas un phénomène récent, mais elle s’est accentuée ces dernières années : nous sommes passés de 600 signalements en 2016 à 3 500 l’an dernier. La pandémie de la covid a mis en lumière les questions relatives à la production et à l’approvisionnement des médicaments, mais les difficultés d’approvisionnement avaient commencé à augmenter drastiquement avant son apparition. En 2019, nous étions déjà à 1 500 signalements.

À partir de ce constat, nous pouvons d’ores et déjà formuler une première remarque : ce problème n’est pas nouveau et il aurait pu et dû être anticipé. Nous constatons ensuite que ces signalements concernent des produits très divers : anticancéreux, antirétroviraux, insuline. Plus récemment, cet hiver, nous avons connu ce que d’aucuns nomment d’une manière moins dramatique une « tension d’approvisionnement » en Doliprane pour enfants et en amoxicilline. À côté de la publicité abondante faite autour de la pénurie de ces deux types de médicaments pour enfants, le cri d’alerte de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine affirmant que « toutes les classes de médicaments sont en rupture » est presque passé inaperçu. La situation est donc inquiétante et fragilise notre système de santé publique et d’accès aux soins pour tous.

Compte tenu de cette urgence, nos collègues sénateurs communistes ont récemment pris l’initiative de la création d’une commission d’enquête sur l’aggravation des pénuries de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique française. Cette urgence en était déjà une sous la précédente législature, et le groupe GDR avait déposé une proposition de loi pour un service public du médicament pour y répondre.

Pourquoi parlons-nous d’un service public ou d’un pôle public du médicament ? Parce qu’il faut remettre les besoins et la sécurité des patients au cœur de la production et de l’approvisionnement en médicaments et parce qu’il faut sortir de la logique de marchandisation des médicaments dominée par le consumérisme des produits pharmaceutiques.

En effet, les défaillances sont depuis longtemps bien identifiées. Il s’agit de la délocalisation massive de la production de médicaments et de ses conséquences : les grossistes répartiteurs qui préfèrent vendre leurs stocks de médicaments aux pays les plus offrants ; les tensions d’approvisionnement volontairement créées par les laboratoires pour faire augmenter les prix. Les dispositions prises par le Gouvernement pour obliger les fabricants à conserver des stocks disponibles se sont avérées largement insuffisantes, tout comme les plans de gestion de pénurie imposés à l’industrie pharmaceutique. Enfin, les prix des médicaments apparaissent de plus en plus déconnectés des coûts réels de production et de recherche, garantissant des marges injustifiées aux laboratoires.

Cette situation aboutit à faire peser des contraintes financières importantes sur la sécurité sociale qui rembourse les soins, tout en assurant des rentes de situation aux acteurs privés. En outre, la puissance publique peine à réguler efficacement le prix des médicaments alors même que la demande est largement soutenue par la solidarité nationale. Les causes sont à chercher dans le déséquilibre croissant entre les moyens d’intervention de l’État et la force économique des entreprises du médicament. Malgré des prérogatives importantes, le Comité économique des produits de santé (CEPS), l’organisme interministériel chargé de négocier les prix des médicaments face aux laboratoires, ne dispose pas aujourd’hui de moyens financiers et d’expertise suffisants pour remplir correctement sa mission.

Pour toutes ces raisons, nous pensons que l’État doit disposer d’outils publics et de moyens industriels suffisants pour garantir la disponibilité des médicaments essentiels, économiquement abordables, de bonne qualité et biens utilisés. L’organisation de la recherche doit se soumettre à l’intérêt général. Cela implique de prendre des mesures fortes de régulation sous l’égide de la puissance publique et de dégager des moyens nouveaux au profit de la recherche. Les coopérations internationales doivent être encouragées et les financements publics mobilisés à la hauteur nécessaire. La législation internationale en matière de propriété intellectuelle et industrielle appliquée aux médicaments doit être révisée sur la base de la primauté de la santé publique.

Nous plaidons donc pour une maîtrise publique de l’ensemble de la chaîne du médicament : celui-ci ne peut plus être traité comme un bien de consommation comme les autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, SOC et Écolo-NUPES.)

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